Jeudi 6 décembre 2007. 20h22. Plus de cinq ans après avoir lu une trilogie que je me suis
mis à adorer, j’assiste enfin à la projection du film. Un peu fébrile, je dois le
reconnaître. Je sais que ce que je risque de voir sera forcément différent de mon
imaginaire, mais je ne m’en soucis guère. Si j’avais voulu voir exactement ma vision sur
l’écran, il était inutile que je me déplace. Voir son oeuvre fétiche adaptée au cinéma
demande concessions et modifications.
Je me suis donc laissé porter par le film de Chris Weitz. Le parcours fut chaotique,
rempli de bonnes choses et de moins bonnes, avec la malheureuse impression dominante d’un
rythme saccadé et de course en avant sans cesse.
C’est un de mes gros regrets, que le film n’ait pas laissé au spectateur le temps de
souffler, le temps de prendre plaisir à voir une scène s’écouler, le temps d’encaisser le
choc d’un évènement avant d’embrayer immédiatement sur le suivant. Iorek n’a pas le temps
de savourer sa victoire sanglante sur Ragnar que déjà il est parti vers Bolvangar. Lyra
a-t-elle à peine quitté Jordan que déjà elle a tout vécu avec Mrs Coulter et que Pan
semble déjà émettre des doutes quant à la bonté réelle de la manipulatrice Nicole Kidman.
Et le rythme affolé fait perdre de leur magie à certaines scènes, comme la cavalcade de
Lyra sur le dos de Iorek. Le temps qu’on se remette des aventures précédentes, elle est
déjà presque passée et débouche sur la découverte de Billy...
En fait ce montage me laisse perplexe, et je n’ai pas la moindre idée de qui il faut
blâmer pour cela. Ann Coates, monteuse d’expérience avec un oscar et un demi-siècle de
carrière ? Chris Weitz, recruté sur son script et fan des livres qui n’a pourtant jamais
cessé d’afficher les meilleures intentions ? Ou encore des producteurs qui souhaitaient
une durée finale relativement dans la norme ? Car franchement, quand on voit ce rythme
effréné pour un film de seulement deux heures, on peut nourrir des regrets. Un petit
quart d’heure de plus, un simple petit quart d’heure - et on peut avec aisance penser
qu’une telle durée était disponible dans les rushs non rattachés au film - aurait suffit
à donner de la consistance aux transitions entre les scènes, à renforcer la narration et
ne pas imposer au spectateur des changements de décors assez brutaux et découpant le
récit.