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Christ et la prostituée [extrait 6/6] :.
Samedi 08 Mai 2010 - 16:19:11 par Soldat Bleu - Détails - article lu 1407 fois -

Christ et la prostituée





Les rares fois où Christ se trouvait à proximité de Jésus, il faisait de son mieux pour éviter tout contact avec lui, mais de temps à autre quelqu’un finissait par lui demander qui il était, ce qu’il faisait, s’il était l’un des disciples de Jésus, et ainsi de suite. Il réussissait assez facilement à éluder ce genre de questions en faisant preuve de douce courtoisie et d’amabilité, ainsi qu'en passant inaperçu. En vérité, il attirait peu l’attention et se tenait à l’écart, mais comme tout homme il lui arrivait de souhaiter de la compagnie.

Une fois, dans une ville où Jésus ne s’était encore jamais rendu et où ses disciples étaient peu connus, Christ entama une conversation avec une femme. C’était une des prostituées que Jésus accueillait, mais elle n’était pas entrée dîner avec les autres. Lorsqu’elle vit Christ tout seul, elle dit : « Voulez-vous venir chez moi ? »

Sachant quel genre de femme elle était, et conscient que personne ne les verrait, il accepta.

Il la suivit jusque chez elle, entra à sa suite et attendit alors qu’elle vérifiait, dans la pièce intérieure, que ses enfants dormaient.
Lorsqu’elle alluma la lampe et le regarda, elle fut surprise et dit : " Maître, pardonnez-moi ! La rue était sombre et je n’ai pas vu votre visage."

- "Je ne suis pas Jésus, dit Christ. Je suis son frère."

- "Vous lui ressemblez tellement. Êtes-vous venu me voir pour affaires ?"

Il fut incapable de répondre, mais elle comprit et l’invita à s’allonger avec elle. L’affaire fut rapidement conclue et, ensuite, Christ se sentit poussé à expliquer pourquoi il avait accepté son invitation.

« Mon frère soutient que les pécheurs seront pardonnés plus volontiers que les honnêtes gens, dit-il. Je n’ai pas beaucoup péché ; je n’ai peut-être pas assez péché pour mériter le pardon de Dieu.

- Vous n’êtes pas venu à moi parce que je vous ai tenté, mais par piété ? Je ne gagnerais pas autant d’argent si c’était le cas de tous les hommes.

- Bien sûr que j’ai été tenté. Sans quoi, je n’aurais pas été capable de partager votre lit.

- En parlerez-vous à votre frère ?

- Je ne parle pas beaucoup à mon frère. Il ne m’a jamais écouté.

- Vous semblez amer.

- Je ne ressens pas d’amertume. J’aime mon frère. Il a une grande tâche, et j’aimerais pouvoir le servir mieux que maintenant. Si j’ai l’air abattu, c’est peut-être parce que j’ai conscience de mon incapacité à être comme lui.

- Voulez-vous être comme lui ?

- Plus que tout au monde. Il agit par passion quand j’agis par calcul. Je vois plus loin que lui ; je vois les conséquences de choses auxquelles il ne pense pas à deux fois. Mais il agit à chaque instant de toute son âme, quand je retiens toujours quelque chose par prudence, ou par réserve, ou parce que je préfère observer et enregistrer plutôt que de participer.

- Si vous renonciez à votre prudence, vous pourriez être emporté par la passion, comme lui.

- Non, dit Christ. Certains vivent dans le respect de chaque règle et s’accrochent fermement à leur droiture parce qu’ils craignent d’être emportés dans une tempête de passion, et d’autres s’accrochent aux règles parce qu’ils craignent qu’il n’y ait aucune passion, et que s’ils se laissaient aller, ils ne feraient que rester à leur place, stupides et immobiles, et cela, ils le supporteraient moins encore que le reste. Vivre une vie contrôlée dans ses moindres détails leur permet de se faire croire à eux-mêmes que ce n’est que par le plus puissant effort de leur volonté qu’ils peuvent tenir les grandes passions à distance. J’en fais partie. Je le sais et je ne peux rien y faire.

- Au moins, c’est déjà quelque chose que de le savoir.

- Si mon frère voulait en parler, il en ferait une histoire inoubliable. Moi, je ne peux que le décrire.

- Et le décrire, au moins, c’est quelque chose.

- Oui, c’est quelque chose, mais c’est peu.

- Enviez-vous votre frère, alors ?

- Je l’admire, je l’aime, je désire son approbation. Mais il se soucie peu de sa famille ; il l’a souvent dit. Si je disparaissais, il ne s’en rendrait pas compte ; si je mourais, il s’en moquerait. Je pense à lui tout le temps, et il ne pense pas du tout à moi. Je l’aime, et mon amour me tourmente. Parfois, j’ai l’impression d’être un fantôme derrière lui ; comme si lui, seul, était réel, et que je n’étais qu’un rêve. Mais l’envier ? Est-ce que je lui reproche l’amour et l’admiration que tant lui donnent si librement ? Non, je crois sincèrement qu’il les mérite entièrement, et plus encore. Je veux le servir… Non, je crois que je le sers, d’une façon qu’il ignorera toujours.

- Était-il comme cela quand vous étiez jeunes ?

- Il se causait des problèmes, et je l’en sortais, je plaidais sa cause, ou je détournais l’attention des adultes par une ruse ou une remarque. Il n’était jamais reconnaissant ; pour lui, il était évident que j’allais venir à son secours. Et cela ne me dérangeait pas. J’étais heureux de le servir. Je suis heureux de le servir.

- Si vous étiez davantage comme lui, vous ne pourriez pas le servir aussi bien.

- Je pourrais mieux servir d’autres personnes. »

Puis, la femme dit : « Monsieur, suis-je une pécheresse ?

- Oui. Mais mon frère vous dirait que vos péchés sont pardonnés.

- Et vous, le dites-vous ?

- Je crois que c’est vrai.

- Alors, monsieur, pourriez-vous faire quelque chose pour moi ? »

Et la femme sa robe de chambre et lui montra sa poitrine. Elle était ravagée par un cancer ulcéreux.

« Si vous pensez que mes péchés sont pardonnés, dit-elle, s’il vous plaît, guérissez-moi. »

Christ détourna la tête, puis la regarda de nouveau et dit : « Vos péchés sont pardonnés.

- Dois-je le croire, moi aussi ?

- Oui. Je dois le croire, et vous devez le croire.

- Dites-le-moi encore.

- Vos péchés sont pardonnés. Vraiment.

- Comment le saurai-je ?

- Vous devez avoir la foi.

- Si j’ai la foi, est-ce que je serai guérie ?

- Oui.

- J’aurais la foi si vous l’avez, monsieur.

- Je l’ai.

- Dites-le-moi encore.

- Je l’ai dit… Très bien : vous péchés sont pardonnés.

- Et pourtant, je ne suis pas guérie », dit-elle.

Elle referma sa robe.

Christ dit : « Et je ne suis pas mon frère. Ne vous l’avais-je pas dit ? Pourquoi m’avez-vous demandé de vous guérir, si vous saviez que je n’étais pas Jésus ? Ai-je prétendu être capable de vous guérir ? Je vous ai dit que vos péchés étaient pardonnés. Si vous n’avez pas assez de foi après avoir entendu cela, c’est votre faute. »

La femme se détourna, fit face au mur et se couvrit la tête de sa robe.
Christ quitta la maison. Il avait honte, et il quitta la ville, grimpa dans les rochers jusqu’à un endroit calme et pria pour que ses propres péchés soient pardonnés. Il pleura un peu. Il avait peur que l’ange ne vienne le voir et se cacha toute la nuit.


Traduit pour Cittàgazze par Irwenalis


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Samedi 08 Mai 2010 - 16:19:11
Soldat Bleu
Source : guardian.co.uk
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