Le Café

   Alors que nous quittions les ruelles à ciel ouvert de Cittàgazze, je craignais, les yeux encore pleins d'étoiles, d'en avoir fini avec la cité des pies. J'avais tort : une autre section de la cité était abritée sous les vertigineuses voutes de l'un des plateaux intérieurs du studio.

   Après avoir contourné un groupe isolé de pins solidement arrimés au sol en béton (ne me demandez pas ce qu'ils faisaient là, seules les sorcières doivent le savoir) je me suis retrouvé, avec mes guides, sur une petite place devant un bâtiment de deux étages dont le rez-de-chaussée hébergeait un café et de sa terrasse. Il s'agissait aussi, accessoirement, de la résidence de Will et Lyra durant leur séjour à Cittàgazze. Les lieux étant déserts, on m'a entraîné dans le café : plongés dans le noir complet, nous nous sommes repérés à la lampe de nos téléphones pour contourner un comptoir encombré et grimper au premier étage pour découvrir que Lyra n'avait pas refait son lit en partant (bouh!). Si nous ne sommes pas montés chez Will au second niveau, rien de ce que j'ai vu dans ce bâtiment, depuis les poutres apparentes jusqu'aux rues par les fenêtres, ne pouvait laisser deviner que nous nous trouvions alors dans un faux bâtiment sous le toit d'un imposant hangar. L'impression a perduré au moment de ressortir par une porte latérale et de redescendre via une ruelle glissante jusqu'à la place d'où nous venions. Il m'a fallu repérer de gros projecteurs devant le café et un chariot élévateur dissimulé derrière une fausse porte cochère pour me rappeler que tout ceci était en fait un (superbe) décor.

   Quoi qu'il en soit, le soin scrupuleux accordé au moindre petit détail sur ce plateau m'a renvoyé à l'impression qui m'avait assailli sur la ville à ciel ouvert quelques minutes auparavant, quand je m'étais arrêté ébahi devant un salon de coiffure et une épicerie complètement aménagés. Si ces décors ont du être d'une aide prodigieuse pour les acteurs, je n'ai cessé de me dire tout au long de ma visite que malgré toute l'attention et l'amour du travail bien fait accordé à la conception de ces ruelles magnifiques, seule une petite partie de ces détails apparaîront à l'écran en fin de compte et - pire encore - que ces décors fabuleux n'existeraient que quelques mois. Cela m'a mené à apprécier d'autant plus les moments passés dans cette magnifique reconstitution : quelle que pourra être la beauté de la série (et belle, elle le sera !) et la précision des éventuels futurs ouvrages qui reviendront sur sa conception, rien ne pourra probablement jamais transmettre assez finement ni remplacer les sensations ressenties à déambuler dans Cittàgazze, à en sentir le pavage sous mes chaussures, à écouter le silence de ses rues vides et à éprouver par tous mes sens l'existence physique temporaire de cette cité magnifique, mon lieu favori parmi ceux que Sir Philip Pullman a créés.

   Je n'ai pas croisé de Spectres dans ces rues mais si cela avait du se produire, j'aurais peut-être accepté de marchander une petite part de mon âme en retour du fabuleux privilège qu'a constitué cette visite...

Pour rester un peu plus à Cittàgazze, faites la visite des fabuleux plateaux en compagnie du meilleur guide possible pour cela : Joel Collins !