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La lettre de Pullman
(Read in English)

     Entre 2005 et 2007, Philip Pullman a écrit régulièrement à ses lecteurs via des newsletters sur son site officiel, alors que les réseaux sociaux n'étaient encore que balbutiants. L'occasion pour lui de nous parler des livres qu'il était en train d'écrire, de la pièce de théâtre qui se jouait alors au National Theater de Londres, du film La Boussole d'Or alors en préparation ou de tout ce qu'il souhaitait partager. Pour les lecteurs non-anglophones, Cittàgazze traduisait alors les lettres.
     Cette page vous propose ces versions francophones...

     Bonne lecture !


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    Septembre 2005

       Merci, une nouvelle fois, à tout le monde qui m'envoie des mails. Deux choses : merci de consulter la FAQs pour vous assurer que je n'ai pas déjà répondu à la question que vous souhaitez poser. Je n'y répondrai pas différemment une seconde fois. Et je ne peux tout simplement pas répondre à chaque message, même si je lis chacun d'eux. y compris les messages d'insultes. Merci pour ces derniers.

      Il m'est apparu au cours du week-end passé que nos ancêtres avaient à répondre de beaucoup de choses. Notamment, ils ont fait une terrible erreur pour laquelle nous, leurs enfants et petits-enfants, payent désormais l'addition et auront à la payer encore plus dans les années à venir. On ne peut pas vraiment les blâmer pour cela, car ils croyaient que ce qu'ils faisaient ne coûtait rien, mais c'était là une terrible erreur.

      Je parle là des évolutions du climat dont nous sommes de plus en plus témoins ces dernières années - l'immense recul de la calotte polaire arctique, le recul des glaciers, la banquise en danger, la gausse des températures de la mer, la perte des barrières de corail, et ainsi de suite. Les grands entrepreneurs qui ont enclenché la Révolution Industrielle ne pouvaient pas savoir, lorsqu'ils ont inventé leurs machines à vapeur et brûlé de vastes quantités de charbon, que les conséquences interviendraient deux siècles plus tard; les inventeurs du moteur à combustion interne et de l'automobile, les Henry Ford, ils ne pouvaient pas savoir. Mais c'est ce qu'ils ont fait pour permettre l'ordre actuelle du monde et ce que nous avons fait pour maintenir cet état de fait qui va détruire la civilisation humaine, à moins que nous nous réveillions très vite.

      Le problème est le suivant. Les carburants tels que le pétrole et le gaz, qui ont été enfermé dans les entrailles de la terre pendant des millions d'années, contiennent énormément de carbone. Quand on les brûle, le carbone est libérer et se combine avec l'oxygène de l'atmosphère avec grande facilité. Un atome de carbone et deux d'oxygène s'associent pour donner une molécule nommée dioxyde de carbone; vous pourriez dire que le carbone et l'oxygène s'aiment tant qu'ils s'étreignent dès qu'ils en trouvent l'occasion, et se serrent tellement qu'on ne pourra plus les séparer.

      Et le dioxyde de carbone a le malencontreux effet de flotter dans l'atmosphère pendant des siècles, agissant comme une vitre de verre dans une serre. Il laisse passer les rayons du soleil mais ne permet pas à la chaleur de s'échapper. Il en résulte que la surface de la terre, les terres aussi bien que les mers, se réchauffent de plus en plus; mais au contraire d'une serre, l'atmosphère n'a pas de fenêtre que l'on peut ouvrir, et on ne peut pas non plus la casser avec un marteau pour laisser l'air s'échapper. La chaleur est emprisonnée et reste là. Depuis que des relevés précis ont commencé à être enregistrés, nous avons vu une augmentation graduelle des températures près de la surface du sol, mais ces derniers temps la tendance a commencé à s'emballer. Les dix années les plus chaudes se sont produites depuis 1990.

      De plus, si nous cessons de brûler des énergies fossiles aujourd'hui, totalement, partout, la planète pourrait continuer à se réchauffer pour encore une longue période, car il y a là un temps de latence qui entre en jeu. Au final, le phénomène ralentirait et s'arrêterait, mais il fera plus chaud quoi que nous fassions. La banquise du Groenland, par exemple, va fondre. C'est prévu. Peut-être que cela prendra deux cents ans, peut-être cinq cent ans, peut-être mille; mais elle finira par disparaître et en conséquence le niveau des mers et océans va s'élever de près de sept mètres. Pensez à ce que cela va signifier pour les gens qui vivent sur les côtes sur la planète; pour des villes telles que la Nouvelle Orléans.

      Cela ne fait aucun doute. Vous allez entendre des gens comme le président Bush et ses amis dirent que les choses ne sont pas aussi claires, et qu'il y a encore beaucoup de débâts autour du réchauffement climatique et que nous ne devrions pas agir avant que la science ait prouvé sans le moindre doute ces faits. Mais ils mentent. Il n'y a aucun doute avec la science. Ils s'inquiètent que nous ne sachions la vérité et agissions en conséquence, car ils sont impliqué dans le commerce du pétrôle et sous soutenu par les industries pétrôlières et la dernière chose qu'ils souhaitent est que nous cessions d'utiliser leurs produits qui remplissent leurs poches de dollars.

      Vous allez aussi entendre des gens vous dire que cela n'est pas important que la calotte glacière fonde et que ceux qui parlent de réchauffement climatique sont des grognons et des rabat-joies, et que nous pouvons tous conduire des SUVs polluants en consommant autant d'énergie que nous en avons envie. Ils ont torts, et nous ne le pouvons plus. Ils sont comme ces idiots qui disaient qu'il n'y avait aucune connexion entre l'activité sexuelle et le sida, et que seuls les pauvres et les drogués étaient contaminés si bien que tout le monde pouvait faire comme il l'entendait, n'importe quand et avec n'importe qui et que les choses iraient très bien. Il y a toujours des imbéciles cupides qui se ruent sur la moindre excuse pour excuser les comportements les plus irresponsables. Ne faites pas attention à eux.

      Vous allez aussi entendre des illuminés qui diront qu'il importe peu ce que nous faisons à la Terre car ce n'est pas notre maison. Nous appartenons à un autre monde que nous rejoindrons après notre mort, un bien meilleur monde. On peut donc détruire la terre et hausser les épaules en y pensant.

      Pourquoi es-ce que je parle de cela ?

      Car la semaine dernière je suis allé à une conférence soutenue par le Environmental Change Institute à l'université d'Oxford. La moitié des participants étaient des scientifiques et l'autre moitié des artistes : auteurs, metteurs en scène de théâtre, chorégraphes, artistes visuels, des gens issus de nombreuses disciplines. Nous avons été invité à voir si nous pouvions d'une façon ou d'une autre rassembler nos forces pour transmettre le message au public, car une grande ignorance entoure encore le changement climatique. Des gens croient que cela ne se produira pas (ils écoutent George Bush) et qu'ils ne seront pas impactés et n'ont pas à s'en inquiéter (ils écoutent /Jeremy Clarkson) ou encore que cela n'est pas important car la terre n'est pas notre maison (comme les fondamentalistes religieux).

      L'une des difficultés quand il s'agit de parler de ce sujet est que les gens vont avoir tellement peut qu'ils vont refuser d'écouter, ils vont mettre leurs mains sur leurs oreilles et espèrerons que le problème disparaîtra. Le fait est que c'EST effrayant. Une autre des difficultés est qu'ils croient qu'il s'agit d'un problème technique passager qui doit trouver une solution technique et ainsi ils vont se convaincre qu'ils n'ont pas besoin de changer leur façon d'agir, car bientôt émergera une nouvelle génération de voitures qui rouleront à l'hydrogène et n'émettront plus de dioxyde de carbone et ainsi tout ira bien. Et même si les voitures à l'hydrogène se développeront probablement dans les années futures mais elles seront loin de suffire. Une autre difficulté est que les changements que nous devons opérer vont coûter énormément d'argent et que les gens ont du mal à payer pour des choses qui ne sont pas leur faute. Ils n'aiment pas non plus se sentir coupable de situations qu'ils n'ont pas personnellement causées.

      Je crois qu'ils ont raison sur ce point, en fait. Il n'y a pas besoin de se sentir coupable si vous ne saviez pas ce que vous faisiez. Nos ancêtres ne savaient pas ce qu'ils faisaient. Ils étaient responsables de mettre ces process en mouvement, mais il ne sert à rien de les accuser, car quand on a accusé quelqu'un et qu'on l'a trouvé coupable, on pense qu'on a fait quelque chose pour résoudre le problème qui a été causé.

      Mais ce n'est pas le cas. Et maintenant que nous avons identifié la cause, nous n'avons aucune excuse pour ne rien y faire.

      Et la chose extraordinaire est que faire face au problème serait extrêmement simple et ne nécessiterait que quelques étapes avec un impact relativement léger sur nos vies. Isoler nos maisons convenablement - utiliser des lampes à faible consommation d'énergie - baisser nos thermostats de quelques degrés, conduire moins et faire plus de vélo ou marcher plus, ces choses feraient déjà une grande différence.

      Mais il nous faut mettre la pression sur les gouvernement du Royaume-Uni et des Etats-Unis et de tout puissant pays. Ils doivent ouvrir les yeux et réguler les industries comme il se doit.

      Car les plus grands pollueurs et les plus grands méchants, ce sont les grandes entreprises. Par exemple, une récente étude du Carbon Disclosure Project (relayée par le Guardian du 15 septembre 2005) révèle que Boeing, Amazon, Wal-Mart, Morgan Stanley, Time Warner, et Harley-Davidson n'ont pas même pris la peine de répondre à une question au sujet de leur politique sur les émissions. Et pour ce qui est du groupe de presse de Rupert Murdoch qui détient le Times, le News of the World et le Sun, un porte-parole a donné cette réponse ridicule et méprisable : "Il semble assez évident qu'un groupe de presse ne connait pas de souci d'émissions de carbone. Je ne vois pas pourquoi ne devrions être mis au ban pour une question aussi éloignée de notre domaine".

      Des scélérats, comme vous pouvez le voir.

      Je reviendrai à nouveau sur ce sujet.

      Philip Pullman Environmental Change Institute at Oxford University
    Sources et copyrights
    Les lettres originales proviennent d'une version désactivée du site web de Philip Pullman (www.philip-pullman.com), désormais uniquement accessible via Wayback Machine - web archive.
    Dernière mise à jour : 21/02/2020

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    Jésus le bon et Christ le vaurien

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