Vision de la femme dans l'œuvre de Pullman

Pour philosopher sur l'oeuvre de Pullman.

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Café
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Vision de la femme dans l'œuvre de Pullman

Message par Café »

Bonjour,

je viens de relire les bouquins et je me demandais ce que vous aviez pensé de la vision de la femme dans à la croisée des mondes? Je n'ai pas trouvé ce débat sur le forum et je pense que ça pourrait être intéressant.

Je trouve qu'il y a une rupture très nette entre la Lyra des royaumes du nord et la Lyra de la tour des anges. Alors que dans le premier tome, elle est courageuse et entreprenante, je trouve que le deuxième tome la met beaucoup plus en retrait. Suis-je le seul à avoir eu cette sensation? J'ai l'impression qu'il y a immédiatement une relation dominant-dominé qui s'installe entre Lyra et Will. A plusieurs moments, Lyra affirme une soumission quasi-complète envers Will. Elle promet de ne plus utiliser l'Aléthiomètre sans son accord et dit à divers moments « je ferais tout ce que tu voudras » ou qqchose d'approchant.

De même, les armes utilisés par Lyra et Will et les valeurs qu'ils véhiculent sont assez stéréotypés (sans vouloir être méchant). Will, c'est un guerrier, avec un grand sens de l'honneur et possède un couteau. Plusieurs fois il est comparé à Iorek ou à Lord Asriel comme appartenant à la « race » des dominants.
Lyra quant à elle combat avec la ruse et le mensonge (c'est d'ailleurs assez paradoxal avec la fonction de l'Aléthiomètre). Finalement je trouve que c'est une image assez stéréotypée de la femme. À cela s'ajoute bien sur l'image de Eve, tentée qui commet le pêché originel (mais là ça se discute vu qu'il y a une critique virulente de l'institution religieuse).
À noter également l'image de Madame Coulter, autre femme forte du livre, qui séduit, ment et utilise la ruse pour parvenir à ses fins... ce qui renvoi à l'image de la femme empoisonneuse.

Voilà quelques idées en vrac pour lancer le débat. J'aimerais savoir ce que vous avez ressenti vis à vis de cette question pendant la lecture des livres. Par ailleurs je serais curieux de savoir la position de Pulmann sur la question si il a été interviewé sur le sujet.
Et désolé si le débat a déjà été abordé.
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Nef
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Message par Nef »

Intéressant comme point de vue.

On peut avancer quelques explications sur certains points : Dans la tour des anges, Lyra a peur et est impressionnée par Will que l'aléthiomètre lui a présenté comme un meurtrier.
Will a aussi l'habitude de gérer et ordonner, s'occupant de sa mère.
Je pense que ces traits de caractère expliquent en partie la "soumission" de Lyra à Will. Il viendra après se greffer de l'amour à cette relation.

Pour l'image d'Eve tentée, il ne faut pas y voir de la soumission ou condescendance envers la femme. En effet, Pullman élève ici l'image d'Eve comme étant celle qui a libéré l'humanité. Un rôle de héros rabaissé par la religion que combat Pullman.

J'ai l'impression que plusieurs visions de la femme cohabitent dans ce livre :
- la femme-enfant impressionnable et menteuse
- la femme manipulatrice qui pense être libre, "l'empoisonneuse" qui rappelle un peu la femme de l'époque victorienne/renaissance
- la femme libre qui agit à sa guise et espère faire le bien
- la femme asexuée, comme les anges, qui mène son combat sans se préoccuper des questions de sexe
- la femme domestique, celle que l'on croise ici ou là sans grand rôle (cuisinière, mère de famille, ...)
- la femme matriarcale qui défend sa famille, protège ses enfants. C'est une femme forte.
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Soldat Bleu
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Message par Soldat Bleu »

Je ne sais pas.

J'avoue que de mon côté, je considère que c'est un peu pousser de parler de "vision de la femme" en ce qui concerne l'héroïne : Lyra n'est qu'une enfant tout au long de la trilogie. À la fin du Miroir d'ambre il y a la phrase "Et ces enfants, qui n'étaient plus des enfants..." Donc jusque là, il ne faut pas trop considérer la différence garçon/fille à mon sens.

De plus, Will a un an de plus qu'elle. Quand j'avais 10-11 ans, pour moi, un garçon ou une fille de 12 ans c'était un(e) grand(e). D'où peut-être une certaine soumission de Lyra envers Will.
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Message par Café »

Soldat Bleu a écrit :J'avoue que de mon côté, je considère que c'est un peu pousser de parler de "vision de la femme" en ce qui concerne l'héroïne : Lyra n'est qu'une enfant tout au long de la trilogie. À la fin du Miroir d'ambre il y a la phrase "Et ces enfants, qui n'étaient plus des enfants..." Donc jusque là, il ne faut pas trop considérer la différence garçon/fille à mon sens.
Je ne suis pas tout à fait d'accord... Pullman parle bien de la femme dans la mesure où une partie du livre se rattache à la mythologie biblique et au mythe d'Adam et Ève. Or ce mythe comporte déjà les germes de la soumission de la femme à l'homme :
  • -Ève est née d'une côte d'Adam alors que celui-ci ne trouvait pas de compagne. Créée après l'homme, celle-ci lui doit sa vie et son destin.
  • -C'est bien Ève qui est tentée par le serpent et qui donnera la pomme à Adam, entraînant l'expulsion du paradis. (sous entendu, c'est la faute de la femme)
à partir du moment où Pullman reprend ce mythe, il ne me semble pas hors propos de débattre de la vision de la femme dans son œuvre.
Alors, certes, Lyra n'est qu'une enfant, mais je ne vois pas en quoi ça éluderait le débat. Les livres traitent avant tout d'une quête d'identité et de recherche de soi. Quête qui inclut, à mon avis, la féminité. Tout simplement parce qu'on ne passe pas du stade d'enfant au stade de jeune-homme ou jeune-femme comme par magie... C'est un processus long, complexe et étroitement lié à l'éducation qu'on a reçu. Et ça commence dès les premières années de la vie.
Enfin, même si je me base sur Lyra, qui est l'héroïne et donc longuement décrite dans le livre, rien n'empêche d'étendre le débat sur les autres femmes comme Madame Coulter ou Mary Malone.

Soldat Bleu a écrit : De plus, Will a un an de plus qu'elle. Quand j'avais 10-11 ans, pour moi, un garçon ou une fille de 12 ans c'était un(e) grand(e). D'où peut-être une certaine soumission de Lyra envers Will.
Nef a écrit :On peut avancer quelques explications sur certains points : Dans la tour des anges, Lyra a peur et est impressionnée par Will que l'aléthiomètre lui a présenté comme un meurtrier.
Will a aussi l'habitude de gérer et ordonner, s'occupant de sa mère.
Je pense que ces traits de caractère expliquent en partie la "soumission" de Lyra à Will. Il viendra après se greffer de l'amour à cette relation.
Oui, c'est vrai, ce sont sûrement des éléments d'explications. Mais ça me fait toujours mal au cœur de voir Lyra être aussi docile dans le deuxième tome alors que bon... Elle a quand même réussi à échapper à Madame Coulter, à entreprendre une expédition dans le grand nord et à sauver les enfants de Bolvengar dans le premier tome... ça fait d'elle une vétéran ! Et puis elle n'avait pas peur des garnements plus âgés qu'elle dans le tome 1 ! Mais c'est vrai que le coup du « c'est un meurtrier » à de quoi jeter un froid ^^ .
Cela dit, je trouve que Lyra perd une dimension avec l'apparition de Will, Elle n'a plus l'initiative... Et on entre peu à peu dans le schéma classique prince/princesse. C'est vraiment typique à la fin du tome 2 et au début du tome 3 : Lyra, endormie par un maléfice, appelle dans ses rêves son « prince charmant » qui viendra la sauver... Schéma qu'on retrouve régulièrement dans les Disney de la vielle époque : la belle au bois dormant par exemple.
De même, alors que Lyra est quasiment toujours sur le front dans le tome 1, elle se trouve reléguée au rôle de spectatrice dans le tome 2. Dès qu'il y a un combat, c'est presque toujours Will qui est sur le devant à affronter les dangers et Lyra disparaît presque complètement du paysage.
Nef a écrit :Pour l'image d'Eve tentée, il ne faut pas y voir de la soumission ou condescendance envers la femme. En effet, Pullman élève ici l'image d'Eve comme étant celle qui a libéré l'humanité. Un rôle de héros rabaissé par la religion que combat Pullman.
Oui, c'est exact. J'avais pas vu les choses comme ça . On peut effectivement y voir une remise en question de la femme pécheresse au profit de la femme libératrice. Mais dans un cas comme dans l'autre, ça revient à donner à la femme un rôle inadéquat. Elle n'a ni à être considéré comme une pécheresse ni à être sacralisé. Si la « tentation » dans le livre est le fait de tomber amoureux, ce n'est pas quelque chose qui appartient qu'à Lyra, c'est également le fait de Will, qui devrait être considéré comme pécheur lui aussi... Mais bon, j'admets que je coupe les cheveux en quatre, et ton interprétation me convient déjà mieux.
Nef a écrit :- la femme libre qui agit à sa guise et espère faire le bien
Tu penses à qui exactement ?
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Anne-Emmanuelle
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Message par Anne-Emmanuelle »

Bon, je suis la première fille à intervenir dans ce sujet, on dirait.

Je serai plus brève que vous, vous avez déjà raconté beaucoup de choses !

D'abord, je pense que Nef fait référence à Mary Malone pour "la femme libre qui agit à sa guise et espère faire le bien". En tout cas c'est ce que ça m'évoque : une femme qui plaque tout pour garder la liberté d'agir comme elle le souhaite dans ses recherches, qui cherche à suivre la voix qu'elle juge juste et au final fait preuve de bien plus d'altruisme que la plupart des personnages du roman.

Pour ce qui est du reste, je veux réagir sur la relation entre Lyra et Will dans les deuxième et troisième tomes.
Pour moi, Lyra est en effet bien plus effacée dans la Tour des Anges, par contre elle reprend du poil de la bête dans le Miroir d'Ambre. C'est après tout elle qui prend la décision de laisser Pan sur la rive des morts (Will laisse aussi son daemon mais n'en a pas conscience), c'est elle qui trouve la solution face aux harpies, c'est elle qui trouve la sortie. Une fois réveillée, elle a beaucoup plus la hargne de vivre qu'avant sa capture par Mrs. Coulter.

Dans la Tour des Anges, Lyra n'est pas spécialement "soumise" pour moi. Elle est juste complètement décontenancée au départ en se retrouvant dans d'autres mondes si différents du sien.
Il est logique qu'elle obéisse à Will dans "notre" Oxford, après tout elle commence mal en se faisait renverser par une voiture ! Par contre elle se débrouille très bien pour aller au musée d'histoire naturelle et rencontrer Mary Malone, alors que Will n'est pas là.
Dans Cittàgazze, elle a au départ peur de Will (un meurtrier d'après l'aléthiomètre) et puis ensuite, elle se retrouve à devoir faire la cuisine, la vaisselle, et la nourriture (canettes de coca, céréales en boîtes) ressemble fort peu à ce qu'elle avait dans son monde). D'ailleurs elle fait des efforts pour s'intégrer, elle essaye de cuire une omelette pour le petit-déjeuner, on voit bien qu'elle est anglaise, tiens. :dent:

Peut-être aussi que nous avons cette impression de "soumission" à Will également dans sa relation avec Pan. Will n'a pas de daemon, elle a au début très peur de lui (et c'est logique), puis elle réalise que chacun dans le monde de Will est comme ça. Elle converse aussi beaucoup avec Pan, on connait donc davantage ses doutes et ses idées. Will est beaucoup plus secret... et n'a pas d'alter ego à qui parler !

Et pour finir, je pense en effet que la différence d'âge peut jouer. De plus, Lyra a eu beau sauver des enfants, libérer des daemons, elle reste une petite fille qui a vécu une enfance très protégée (gouvernante pour la laver et l'habiller, repas toujours préparés pour elle, un "oncle" qui la surveille de loin...) Will n'a pas été protégé, lui. C'est LUI qui protège sa mère du danger, qui pense pour elle, et cela doit beaucoup jouer sur leur maturité relatives.

Bon, ben en fait j'avais plus de choses à dire que je ne le pensais au départ ! :roll:
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Soldat Bleu
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Message par Soldat Bleu »

Il y a aussi la logique narrative : si Lyra savait réellement tout faire, introduire Will dans le récit n'aurait strictement servi à rien.

D'ailleurs tu pars du principe que Lyra est complètement indépendante dans le tome 1. C'est un peu faux : elle est complètement fascinée (ou intimidée) par divers personnages masculins : Lord Asriel, Lee Scoresby, Lord Faa, Iorek. Seulement je n'y vois pas un regard de femme, mais un regard d'enfant.

L'autre chose que tu prends pour acquis, c'est que Lyra est à elle seule l'héroïne de la trilogie. À mon sens, Lyra est l'héroïne des Royaumes du Nord, Will est le héros de La Tour des Anges et Will et Lyra sont ensemble les héros du Miroir d'Ambre.

Enfin, je crois que Pullman veut s'adresser autant aux garçons qu'aux filles. C'est comme s'il offrait à chacun un personnage le lecteur (ou la lectrice) pouvait s'identifier et un personnage que le le lecteur (la lectrice) voudrait aimer.

Je suis néanmoins tout à fait d'accord pour l'allusion assez évidente à la belle au bois dormant, mais l'imagerie n'est à mon sens pas du tout sexiste puisque les motivations de Will sont complètement différentes de celles du prince dans le conte.

Dans le conte, le prince fait toute l'aventure seul et la princesse apparaît un peu comme une récompense finale : l'objet de la quête. Dans À la Croisée des mondes, Will sauve Lyra parce que c'est son amie, parce qu'il veut continuer l'aventure avec elle et parce qu'il a également besoin d'elle ! Ce n'est pas du tout la logique "Schwarzenegger" dors chéri pendant que je vais sauver le monde à moi tout seul !
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Message par Café »

Voilà, Voilà, désolé je met toujours un peu de temps pour répondre.
Soldat Bleu a écrit :L'autre chose que tu prends pour acquis, c'est que Lyra est à elle seule l'héroïne de la trilogie. À mon sens, Lyra est l'héroïne des Royaumes du Nord, Will est le héros de La Tour des Anges et Will et Lyra sont ensemble les héros du Miroir d'Ambre.
Je ne reproche pas à Will d'être un personnage principal, je lui reproche l'empire qu'il acquiert sur Lyra dans le deuxième tome. Alors oui, Lyra trouve également des protecteurs dans les Royaumes du Nord (Iorek, les gitans...), mais c'est justement parce qu'ils ne sont pas des personnages principaux que ça ne m'a pas gêné... Lyra n'a pas à tout faire toute seule, et c'est normal qu'elle obéisse aux adultes en qui elle a confiance (après tout c'est qu'une gamine). Mais quand elle se retrouve seule, elle ne manque pas de ressource pour s'en sortir. C'est, je pense, un mécanisme récurrent de la littérature jeunesse et des quêtes initiatiques. Les compagnons sont là pour former et accompagner le héros vers sa destiné.

Will quant à lui, est l'alter ego masculin de Lyra... Dès son apparition, ils forment un couple (pas nécessairement amoureux, hein, mais disons que c'est ce duo qui va être le moteur de l'histoire). Et dès les débuts de leurs relations, Will adopte le statut de protecteur de Lyra. C'est peut-être ça qui m'a gêné... J'ai eu l'impression d'y voir la soumission de la femme à son mari, ou de la femme à l'homme. Mais je pense que j'ai effectivement eu une vision trop caricaturale de leurs relations. Sûrement à cause des phrases du genre : « je n'utiliserais plus l'Aléthiomètre sans l'autorisation de Will » qui m'a un peu énervé. Après tout, comme vous le dites, ce sont encore des enfants avec des comportements d'enfants et Will est un peu plus mature que Lyra, d'où l' « autorité » (c'est pas le terme mais bon) qu'il acquiert sur elle.

Je maintiens cependant qu'ils sont dans une relation « protecteur/protégée » dès les débuts de leurs relations. Même dans le tome 3. Lyra a certes plus d'initiative mais Will est censé assurer sa sécurité un peu dans le style : « il faut protéger cette créature fragile incapable de se défendre par elle même ». Je caricature un peu beaucoup là encore mais c'est quand même un peu ça l'idée. J'aurais aimé que ce schéma bouge un peu mais bon, c'est toujours mieux que la princesse qui reste en haut de son donjon sans rien faire, c'est sûr.
Anne-Emmanuelle a écrit :D'abord, je pense que Nef fait référence à Mary Malone pour "la femme libre qui agit à sa guise et espère faire le bien". En tout cas c'est ce que ça m'évoque : une femme qui plaque tout pour garder la liberté d'agir comme elle le souhaite dans ses recherches, qui cherche à suivre la voix qu'elle juge juste et au final fait preuve de bien plus d'altruisme que la plupart des personnages du roman.
C'est vrai que Mary Malone est un personnage très intéressant dans le livre. Elle incarne à la perfection la « femme moderne », indépendante et qui n'a pas besoin de l'appui d'un homme pour s'en sortir... C'est peut être d'ailleurs pour ça qu'elle incarne le serpent, la tentatrice aux yeux de l'institution religieuse (ajouté au fait qu'elle ait renié sa foi).

Quant à Madame Coulter, je pense qu'elle incarne également une femme forte, qui utilise les moyens que la société veut bien lui laisser pour réussir : à savoir la séduction pour s'attirer les bonnes grâce des hommes dont elle a besoin. Quitte à les trahir ensuite. Elle incarne également la mère prête à tout pour sauver son enfant.
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Message par Poussimon »

Soldat Bleu a écrit : À mon sens, Lyra est l'héroïne des Royaumes du Nord, Will est le héros de La Tour des Anges et Will et Lyra sont ensemble les héros du Miroir d'Ambre.
D'accord pour les deux premiers, par contre pour moi c'est Mary Malone l'héroïne du 3, même si elle ne fait pas grand chose à part faire copine avec les mulefas.
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Message par Soldat Bleu »

(j'ai effacé mon message d'hier et je l'ai refait)

En termes de récit, on ne peut pas objectivement considérer Mary comme l'héroïne O_o

C'est Will et Lyra qui ouvrent la porte du monde des morts, et c'est encore eux qui sauvent le monde. Mary est ce qu'on appelle le Donateur (Propp) ou l'Adjuvant (Greimas) : c'est à dire le personnage qui aide le héros dans sa quête, en lui remettant un "objet magique" qui n'est pas nécessairement matériel. Ici elle transmet son expérience à Will et Lyra, mais ce n'est pas elle qui agit.

(Évidemment, il y a plusieurs "Adjuvants" dans le roman : notamment le maître qui remet l'aléthiomètre à Lyra, et le type de la Tour des Anges qui remet le poignard à Will.

L'objet est souvent remis après que le héros ait prouvé son mérite : par exemple, Farder Coram est également un adjuvant, parce qu'il reprend l'aléthiomètre à Lyra, mais décide de lui laisser quand elle montre qu'elle sait s'en servir. De même que Will doit combattre un personnage avant de recevoir le Poignard Subtil.

Iorek est également un adjuvant lorsqu'il accepte malgré tout de réparer le Poignard Subtil, en considérant les "mérites" de Will.)

@ Café : en ce qui concerne la soumission de Lyra à Will, je reste en désaccord parce que j'ai appris pendant des années que l'interprétation d'une œuvre littéraire, et de n'importe quel objet écrit, ne pouvait se limiter au texte sans l'interprétation extérieure et individuelle de son lecteur avec un bagage culturel, toujours dépendant du moment de la réception du récit (c'est d'ailleurs pour ça que les critiques littéraires et cinématographiques qui veulent toujours imposer une et unique vision ont tendance à me rebuter). Donc c'est un point sur lequel tu as à mon sens raison SI l'on considère de toujours regarder les personnages à travers un prisme homme/femme. Mais ce n'est jamais vraiment comme ça que j'ai considéré Will et Lyra. Je les ai toujours vus comme deux enfants qui s'entraident et qui se protègent mutuellement. Après coup, et selon ton point de vue, je reconnais que tu n'as pas nécessairement tort. Mais c'est en adoptant ta vision, pas la mienne. Et les effets de lectures peuvent parfois être assez étonnants dans leur diversité.

Disons aussi que je ne vais pas chercher des poux à Pullman sur ce point, alors que je considère que les héroïnes en littérature sont bien souvent nettement plus soumises à un personnage masculin que Lyra (l'andouille de Bella Swann par exemple).

Toujours dans le cas de la littérature jeunesse, peut-être que Ewilan est l'héroïne la plus affranchie des personnages masculins. Je me souviens d'une scène (dans le troisième volume de La Quête d'Ewilan) où selon son ami, elle se penche dangereusement à l'avant d'un bateau et il lui ordonne de reculer. Là elle s'énerve et elle le jette à terre ! Mais là je m'étais dit que les torts étaient partagés : d'un côté elle réagit excessivement, mais de l'autre son ami pète aussi un câble sans raison en lui ordonnant de reculer. Mais Ewilan est plus âgée que Lyra (environ 16 ans), donc j'adopte plus facilement le prisme homme/femme.
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Message par Nabubulle »

Hey !

Un débat marrant, tout ça. Je rejoins SB sur le fait que Mary Malone n'est pas, à mon sens, le personnage principal de l'histoire du troisième tome.

Sinon vous avez déjà dit énormément de choses, donc ce sera bref.

J'ai également trouvé Lyra très effacée dans le deuxième tome, par rapport à Will. ça m'a d'ailleurs beaucoup énervé à chaque fois que je l'ai lu, parce que non seulement elle est plus effacée, elle fait preuve de moins d'initiative, semble plus faible, moins sûr d'elle, et se rabat toujours sur Will, mais en plus je trouvais qu'elle devenait niaise, pleurnicharde. Mais, comme le dit AE, elle redevient plus sur d'elle-même dans le troisième tome, elle se réaffirme un peu, bien sûr, sans redevenir la Lyra du premier tome. Mais c'est normal, aussi : elle a grandit, et maintenant ils sont deux à se battre, elle n'est plus "seule", elle n'a plus à endosser le rôle de leader (et je partage aussi l'avis d'AE pour ce qui est des explications de son effacement dans le deuxième tome, faut le temps de s'habituer, quand même :p), surtout que Will a un tempérament qui fait qu'il a l'habitude, lui aussi, de prendre les choses en main.

Après, je n'irai pas jusqu'à dire que Pullman dresse là une vision de soumission de la femme vis-à-vis de l'homme, et donc un tableau un peu sexiste. Parce que la faiblesse de Lyra s'explique, et parce que c'est réduire le tableau des personnages féminins au seul caractère de Lyra (et de Mrs Coulter, femme manipulatrice, fourbe et rusée :p). Et comme le dit Nef, il y en a des tas d'autres, de femmes et de caractères différents, dans Alcdm, à commencer par les sorcières et Serafina Pekkala, que personne n'a cité jusque là. Et pourtant, moins soumises, on peut difficilement faire mieux !

Et puis les hommes ne sont pas tous peints non plus comme de puissants dominateurs (prenez Roger, par exemple) et/ou comme de grands hommes sur le plan moral. Quand on regarde Lord Asriel, bien sûr il fait dur/franc/fort. Mais bordel, quel espèce de prétentieux cruel è_é
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Message par Café »

Soldat bleu a écrit :Donc c'est un point sur lequel tu as à mon sens raison SI l'on considère de toujours regarder les personnages à travers un prisme homme/femme. Mais ce n'est jamais vraiment comme ça que j'ai considéré Will et Lyra. Je les ai toujours vus comme deux enfants qui s'entraident et qui se protègent mutuellement. Après coup, et selon ton point de vue, je reconnais que tu n'as pas nécessairement tort. Mais c'est en adoptant ta vision, pas la mienne. Et les effets de lectures peuvent parfois être assez étonnants dans leur diversité.
C'est vrai, j'avais clairement une grille de lecture lorsque j'ai relu ALCDM. Je venais de débattre sur la condition de la femme et ça a bien sûr influencé très fortement ma lecture. Cela dit, c'est ça aussi qui est sympa dans un débat ; chacun arrive avec sa propre vision du livre et après, on en sort quelque chose ou pas. Mais ce qui m'a interloqué, c'est le changement de ton entre le premier et le deuxième tome... Impression fondé ou non, j'ai trouvé intéressant de le souligner. Mais mon but n'est pas de chercher la petite bête chez Pullman, qui est un auteur que j'admire beaucoup (sinon, je n'en parlerais pas).
Soldat Bleu a écrit :Toujours dans le cas de la littérature jeunesse, peut-être que Ewilan est l'héroïne la plus affranchie des personnages masculins. Je me souviens d'une scène (dans le troisième volume de La Quête d'Ewilan) où selon son ami, elle se penche dangereusement à l'avant d'un bateau et il lui ordonne de reculer. Là elle s'énerve et elle le jette à terre ! Mais là je m'étais dit que les torts étaient partagés : d'un côté elle réagit excessivement, mais de l'autre son ami pète aussi un câble sans raison en lui ordonnant de reculer. Mais Ewilan est plus âgée que Lyra (environ 16 ans), donc j'adopte plus facilement le prisme homme/femme.
Je ne connais pas mais du coup, je suis curieux d'en savoir plus. J'essaierais de me le procurer en bibliothèque.
Nabubulle a écrit : Et comme le dit Nef, il y en a des tas d'autres, de femmes et de caractères différents, dans Alcdm, à commencer par les sorcières et Serafina Pekkala, que personne n'a cité jusque là. Et pourtant, moins soumises, on peut difficilement faire mieux !
J'ai tendance à considérer Serafina Pekkala comme un personnage magique, avec des préoccupations différentes de celles des humains. Je crois qu'à un moment dans le livre, elles sont présentés comme des séductrices par des paysans. Des femmes qui viennent ensorceler des hommes pour ensuite s'enfuir sans laisser de trace. Du point de vue d'un humain normal, c'est effectivement ce qui se passe. Mais les sorcières elles, n'envisagent pas du tout les choses de la même façon, étant donné qu'elles vivent bien plus longtemps que les hommes. C'est très visible dans un passage du premier tome ou Serafina Pekkala explique sa relation avec Farder Coram à Lyra. Elles sont à un autre degré de conscience et de là, c'est difficile d'y voir une figure de la femme indépendante je trouve.
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Message par Nef »

Pour la différence entre le premier livre et les deux suivants, je crois que Pullman n'avait pas le même objectif d'écriture.

En écrivant les Royaumes du Nord, je pense qu'il avait une histoire bien définie en tête, une histoire d'un seul livre. Et c'est sur la fin que sa vision de l'histoire a changée, s'est étendue à la trilogie et a influencé le caractère de ses personnages principaux.
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Message par Soldat Bleu »

Je ne comprends pas très bien : les bases de la trilogie sont posées des le début de la trilogie : Asriel introduit les mondes parallèles, le Maître parle de la "trahison" de Lyra et les sorcières de la prophétie. Ce sont tous des éléments qui font qu'à la fin du livre on sait que l'histoire n'est pas terminée.
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Message par Anne-Emmanuelle »

Le premier tome, de mon point de vue, a une "vraie fin". D'accord, on a envie de savoir la suite. D'ailleurs c'est pas plus mal, ça prouve qu'on a aimé l'histoire et qu'elle nous a intéressé. Mais Lyra raconte à Roger tout ce qu'elle veut faire ensuite, et une fois Roger mort, elle décide d'aller l'accomplir en changeant de monde, plus rien ne la retient dans son monde d'origine et certainement pas ses parents.
Toutes les bases sont posées, mais si le 2e débouche "nécessairement" sur le 3e tome (fin en queue de poisson et tout et tout), le premier tome pourrait se suffire à lui-même.

Pullman avait sans doute en tête la suite de l'histoire en écrivant le premier tome, mais je pense que si l'histoire n'avait pas marché, ça n'aurait pas dérangé les lecteurs qui avaient lu l'histoire de ne pas connaître la suite.

Ça me fait penser au Royaume de Tobin, tiens. 3 tomes (en anglais), et autant à la fin du 1er tome on VEUT savoir la suite, autant à la fin du 2e je me serais bien arrêtée là, et j'ai été surprise de savoir qu'il y avait un 3e tome en préparation. (Et d'ailleurs je confirme, il n'y en avait pas besoin de mon point de vue...)

Même si les bases sont posées on n'a pas forcément besoin de connaître la vision de l'auteur sur la suite. Les détails de la prophétie des sorcières et de la trahison de Lyra seraient passés beaucoup plus inaperçus si on n'avait pas eu la suite, non ?
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