par El Famoso » dim. 17 nov. 2019, 00:00
J'ai encore plus apprécié ce deuxième épisode que le premier, aussi bien pour son audace en terme d'adaptation que pour sa mise en scène toujours très maîtrisée.
Du coup, ma critique détaillée :
Alors pour commencer tranquillement, petit point acting:
-Dafne Keen toujours aussi parfaite en Lyra, qui commence à révéler l'aspect menteur et rusé du personnage qui s'inscrit très naturellement dans le développement du personnage et dans la prestation de la jeune actrice.
-Ruth Wilson parfaite en Mme Coulter aussi, un peu plus vieille que ce qu'on pouvait imaginer dans les romans, mais qui troque le côté "femme fatale" pour un fort charisme, une aura assez fascinante qui l'entoure. Certains la trouvent trop "méchante" dès le début, mais je trouve qu'avec Lyra, au contraire, ce mélange de charme, de gentillesse mais aussi d'autorité lui donnent un certain magnétisme qui explique la fascination de Lyra pour elle et son envie de voyager au Nord, de réaliser son rêve en compagnie de la figure féminine la plus intrigante qu'elle a pu rencontrer. Et on notera que le développement de l'intimité de Mme Coulter offre à Wilson l'opportunité de nuancer dès maintenant le personnage et de montrer l'humanité derrière cette femme inquiétante, laissant entrevoir la grande complexité émotionnelle du personnage.
-Enfin, la bonne surprise de l'épisode, Ariyon Bakare en Lord Boreal, en apparence aux antipodes de ma vision du personnage (j'imaginais plutôt quelqu'un comme Iain Glen par exemple), qui arrive pourtant à véhiculer exactement l'aura que les livres m'avaient fait entrevoir. Un personnage paradoxal et hypocrite, qui use allègrement de sa position d'autorité au Magisterium mais prend pourtant plaisir à adopter une attitude de défiance, à jouer avec les limites de ce qui lui est permis, à se comporter en hérétique en explorant cet autre monde qui lui offre des perspectives infinies...
Je sens que je vais prendre beaucoup de plaisir à suivre son arc narratif.
Scénaristiquement, on reste vraiment proche du livre dans la trame globale, mais il semble se dégager de l'écriture de Jack Thorne une intention de se distancer du simple point de vue de Lyra pour augmenter l'échelle de l'histoire, on suit donc Lyra, mais aussi le point de vue du Magisterium ou des Gitans. C'est une approche à mon avis très adaptée à une série à gros budget: il y est en effet plus dur de représenter la vie intérieure des personnages, mais le format offre de nombreuses perspectives pour explorer l'étendue et le grandiose d'un univers aussi riche que celui bâti par Pullman. Certains seront déçus de ne pas retrouver la même ambiance que dans l'oeuvre de base à ce niveau, mais n'oublions pas qu'une adaptation a l'intérêt de porter un regard différent sur l'oeuvre adaptée, et ici ce regard exploite au mieux toutes les possibilités offertes par le médium (là c'est l'instant où j'ai envie de parler de mise en scène, mais on va d'abord finir sur le scénario
).
Par ailleurs, malgré la fidélité globale, l'épisode réserve tout de même des surprises de taille! D'abord, la plus petite: la révélation de l'identité du père de Lyra par Mme Coulter dès maintenant, que j'ai trouvé très bien amenée et qui amorce dès maintenant cette tension entre Coulter et Asriel: on sent à l'instant de la révélation à la fois l'attachement de Mme Coulter pour son ex-amant, mais aussi son profond ressentiment pour lui. Une piste de développement intéressante, qui a comme pas mal de choix l'intérêt de densifier les personnages dès le début de l'histoire. Ensuite, passons à LA surprise de l'épisode, le choix très audacieux qui fait parler: l'introduction de notre monde et des fenêtres! Alors j'attends d'en voir plus, mais pour moi cette intrigue présente deux intérêts majeurs: répondre à de potentielles interrogations des lecteurs (qui ne s'est jamais demandé ce que faisait Boreal avant l'intrigue de la Tour des Anges?) en livrant l'interprétation personnelle de Thorne de cette porte laissée ouverte par Pullman et apporter ainsi une valeur ajoutée à cette adaptation, et, d'autre part, apporter plus de liant entre les intrigues des différents tomes. Encore une fois, ça peut sembler retirer du charme à la saga, mais dans le même temps, utiliser l'intégralité du lore dès le commencement pour intriguer le grand public et apporter de la cohésion entre les saisons, pour éviter de perdre les spectateurs et fidéliser l'audience d'une année sur l'autre.
En tout cas, de mon côté, je ne pouvais m'empêcher de frissonner à chaque scène de Boreal.
Et maintenant, place à la mise en scène! A ce niveau, l'épisode est aux antipodes du premier: on ne travaille plus la caméra à l'épaule dan les couloirs étroits de Jordan College, et on n'isole plus les jeunes enfants dans d'énormes décors, non. Ici, Tom Hooper change de lieu, de contexte et de décors, et en profite donc pour revenir à un type de mise en scène avec lequel il est particulièrement à l'aise, proche de ce qu'il avait livré dans
Le Discours d'un Roi . On va passer en revue quelques exemples:
- La scène d'ouverture
https://youtu.be/tgGh2MGBMOc
Cette scène pose l'ambiance de tout l'épisode, d'abord par son décor, l'appartement de Mme Coulter, qui est distingué, impressionnant, orné de dorures et de décorations très nobles, mais qui se révèlera au fil de l'épisode être une lugubre prison. Ainsi, à l'opposé total de la caméra épaule à hauteur d'enfant du premier épisode, brute et chaotique, l'appartement est ici filmé avec une caméra fixe, parfaitement centrée, qui bouge avec des travellings très amples, lisses, majestueux, comme dans l'introduction de Mme Coulter dans l'épisode 1. On nous présente donc ce lieu, ce nouveau contexte comme noble, distingué, Lyra se retrouve dans la haute société impressionnante, d'une grandeur qu'elle n'avait jamais réellement expérimenté. Mais en parallèle de cet émerveillement, un climat ordonné, strict et discipliné se met en place, avec ces cadres systématiquement centrés et ces mouvements d'une régularité et d'une linéarité chirurgicale.
En plus de cela, l'atmosphère chaleureuse de Jordan College, véhiculée par les tons jaunes de la pierre et la lumière du jour toujours présente, est remplacée par une atmosphère très froide, grâce à l'usage de tons plus bleutés et une lumière tamisée, qui participera à l'ambiance de plus en plus inquiétante du lieu.
Remarquons enfin que, pendant la discussion entre Lyra et Pan, le daemon et la jeune fille sont filmés avec une très faible profondeur de champ, ils sont le seul élément net du champ, ce qui instaure une complicité et une relation très intime entre l'humain et son daemon. Ce procédé sera repris pendant tout l'épisode et apparaissait déjà dans le premier, je le trouve très efficace pour illustrer ce lien profond entre un humain et sa propre âme.
- La confrontation entre Lyra et Mme Coulter
https://youtu.be/IaHr5CTGtZs
Alors, c'est sûrement ma scène préférée de l'épisode et la plus impactante en terme de mise en scène. On commence en douceur, avec un simple champ-contrechamp, en plan large qui met de la distance entre les personnage, et la valeur des plans va régulièrement changer pour accompagner l'intensité émotionnelle et l'évolution des rapports entre les deux interlocutrices. Notons que le dialogue est déjà filmé en caméra épaule, légèrement vacillante qui traduit l'instabilité de la situation et son explosion imminente.
Et là, première rupture, le singe attaque Pan. Le combat de daemons est particulièrement bien filmé, avec une caméra à hauteur de daemon qui produit donc une image assez originale, qui est au coeur de l'action et suit tous les mouvements de Pan dans sa détresse, ce qui implique immédiatement le spectateur, lui aussi poursuivi par ce maudit singe. Le montage, quant à lui, est très cut, très brutal, change régulièrement d'angle de prise de vue et montre que peu importe où il essaie de fuir, Pan est condamné. En parallèle du violent combat d'animaux, les rapports entre Mme Coulter et Lyra sont tout aussi poignants: Lyra, écrasée au sol, filmée en très gros plan, avec une faible profondeur de champ (seul son visage est net, elle est entourée de flou), et avec une caméra épaule nerveuse et chaotique, on se retrouve face à une image très bizarre, dérangeante qui traduit la détresse et la profonde détresse d'une Lyra parfaitement interprétée par Dafne Keen. Au contraire, au milieu de ce chaos, on a Mme Coulter, filmée en contre-plongée avec une caméra anormalement stable, qui a l'air impassible, imperturbable et d'une froideur glaçante dans sa position de domination écrasante.
La tension monte peu à peu, et puis une deuxième rupture: Mme Coulter craque et révèle qu'Asriel est le père de Lyra. Immédiatement, le chaos prend fin, une caméra tremblante accompagne des personnages tout aussi tremblants et perturbés après cette violente confrontation. La situation se calme, tandis qu'une Mme Coulter toujours plus intrigante, d'une tendresse paradoxale après la torture qu'elle vient d'infliger, compatit avec une Lyra dont l'univers s'effondre.
- La découverte des secrets de Mme Coulter
Partie 1:https://youtu.be/E3uZP0ogu3I
Partie 2:https://youtu.be/0QqodYRrueg
Cette scène est intéressante parce qu'elle met en jeu les différents procédés de mise en scène principaux dont je n'ai pas encore parlé. D'abord, procédés typiques de Tom Hooper, qu'il a particulièrement développés dans Le Discours d'un Roi: isoler un personnage dans le décor dans un plan assez large, parfois avec le personnage excentré, pour instaurer une sensation de malaise, de "pas à sa place", et isoler le personnage en gros plan, excentré, avec une faible profondeur de champ, et si possible avec un angle de prise de vue particulier voire un objectif grand angle (c'est peu présent dans cette scène, mais on a régulièrement ce genre de plans dans l'épisode, notamment pendant la scène du Cardinal), ce qui produit une image très bizarre et perturbante.
Par ailleurs, la tension est très bien travaillée dans cette scène, grâce à l'utilisation de la caméra (l'éternelle caméra épaule quand la situation devient pressante et chaotique, et qui peine à se déplacer dans les conduits, comme Lyra), des décors (les jeux de perspective qui rendent les conduits interminables, leur étroitesse qui donne un sentiment d'étouffement et les grilles floues en amorce qui forment un obstacle à la caméra) et du montage (avec l'alternance permanente entre Lyra qui n'avance que difficilement et l'aiguille qui indique que l'ascenseur s'approche rapidement).
Finalement, on relèvera que les scènes des enfants enlevés sont toujours filmés dans des décors crasseux, avec des couleurs et une lumière assez "sales", en caméra épaule qui traduit la confusion des enfants. Mme Coulter y est filmée en contre-plongée à hauteur d'enfant, comme une sorte de guide, de lumière, d'idole propre et rassurante au milieu de ces catacombes, d'où la confiance que les enfants lui accordent, faute d'avoir autre chose à quoi se raccrocher.
Voilà, du coup j'ai toujours aussi hâte de voir la suite. A mon avis, le ton et les codes de la saison ont été donnés par ces deux premiers épisodes, donc je suis confiant. Je ne sais pas si je continuerai de faire de longues critiques/analyses maintenant que Tom Hooper n'est plus à la mise en scène, vu que c'est assez chronophage, je pense plutôt donner des avis plus succincts avec éventuellement une ou deux analyses de scènes si vraiment ça en vaut la peine.
Au plaisir d'en discuter avec vous!
J'ai encore plus apprécié ce deuxième épisode que le premier, aussi bien pour son audace en terme d'adaptation que pour sa mise en scène toujours très maîtrisée.
Du coup, ma critique détaillée :
[spoiler]
Alors pour commencer tranquillement, petit point acting:
-Dafne Keen toujours aussi parfaite en Lyra, qui commence à révéler l'aspect menteur et rusé du personnage qui s'inscrit très naturellement dans le développement du personnage et dans la prestation de la jeune actrice.
-Ruth Wilson parfaite en Mme Coulter aussi, un peu plus vieille que ce qu'on pouvait imaginer dans les romans, mais qui troque le côté "femme fatale" pour un fort charisme, une aura assez fascinante qui l'entoure. Certains la trouvent trop "méchante" dès le début, mais je trouve qu'avec Lyra, au contraire, ce mélange de charme, de gentillesse mais aussi d'autorité lui donnent un certain magnétisme qui explique la fascination de Lyra pour elle et son envie de voyager au Nord, de réaliser son rêve en compagnie de la figure féminine la plus intrigante qu'elle a pu rencontrer. Et on notera que le développement de l'intimité de Mme Coulter offre à Wilson l'opportunité de nuancer dès maintenant le personnage et de montrer l'humanité derrière cette femme inquiétante, laissant entrevoir la grande complexité émotionnelle du personnage.
-Enfin, la bonne surprise de l'épisode, Ariyon Bakare en Lord Boreal, en apparence aux antipodes de ma vision du personnage (j'imaginais plutôt quelqu'un comme Iain Glen par exemple), qui arrive pourtant à véhiculer exactement l'aura que les livres m'avaient fait entrevoir. Un personnage paradoxal et hypocrite, qui use allègrement de sa position d'autorité au Magisterium mais prend pourtant plaisir à adopter une attitude de défiance, à jouer avec les limites de ce qui lui est permis, à se comporter en hérétique en explorant cet autre monde qui lui offre des perspectives infinies...
Je sens que je vais prendre beaucoup de plaisir à suivre son arc narratif.
Scénaristiquement, on reste vraiment proche du livre dans la trame globale, mais il semble se dégager de l'écriture de Jack Thorne une intention de se distancer du simple point de vue de Lyra pour augmenter l'échelle de l'histoire, on suit donc Lyra, mais aussi le point de vue du Magisterium ou des Gitans. C'est une approche à mon avis très adaptée à une série à gros budget: il y est en effet plus dur de représenter la vie intérieure des personnages, mais le format offre de nombreuses perspectives pour explorer l'étendue et le grandiose d'un univers aussi riche que celui bâti par Pullman. Certains seront déçus de ne pas retrouver la même ambiance que dans l'oeuvre de base à ce niveau, mais n'oublions pas qu'une adaptation a l'intérêt de porter un regard différent sur l'oeuvre adaptée, et ici ce regard exploite au mieux toutes les possibilités offertes par le médium (là c'est l'instant où j'ai envie de parler de mise en scène, mais on va d'abord finir sur le scénario ^^ ).
Par ailleurs, malgré la fidélité globale, l'épisode réserve tout de même des surprises de taille! D'abord, la plus petite: la révélation de l'identité du père de Lyra par Mme Coulter dès maintenant, que j'ai trouvé très bien amenée et qui amorce dès maintenant cette tension entre Coulter et Asriel: on sent à l'instant de la révélation à la fois l'attachement de Mme Coulter pour son ex-amant, mais aussi son profond ressentiment pour lui. Une piste de développement intéressante, qui a comme pas mal de choix l'intérêt de densifier les personnages dès le début de l'histoire. Ensuite, passons à LA surprise de l'épisode, le choix très audacieux qui fait parler: l'introduction de notre monde et des fenêtres! Alors j'attends d'en voir plus, mais pour moi cette intrigue présente deux intérêts majeurs: répondre à de potentielles interrogations des lecteurs (qui ne s'est jamais demandé ce que faisait Boreal avant l'intrigue de la Tour des Anges?) en livrant l'interprétation personnelle de Thorne de cette porte laissée ouverte par Pullman et apporter ainsi une valeur ajoutée à cette adaptation, et, d'autre part, apporter plus de liant entre les intrigues des différents tomes. Encore une fois, ça peut sembler retirer du charme à la saga, mais dans le même temps, utiliser l'intégralité du lore dès le commencement pour intriguer le grand public et apporter de la cohésion entre les saisons, pour éviter de perdre les spectateurs et fidéliser l'audience d'une année sur l'autre.
En tout cas, de mon côté, je ne pouvais m'empêcher de frissonner à chaque scène de Boreal.
Et maintenant, place à la mise en scène! A ce niveau, l'épisode est aux antipodes du premier: on ne travaille plus la caméra à l'épaule dan les couloirs étroits de Jordan College, et on n'isole plus les jeunes enfants dans d'énormes décors, non. Ici, Tom Hooper change de lieu, de contexte et de décors, et en profite donc pour revenir à un type de mise en scène avec lequel il est particulièrement à l'aise, proche de ce qu'il avait livré dans [i]Le Discours d'un Roi [/i]. On va passer en revue quelques exemples:
[list][*][u]La scène d'ouverture[/u]
[url]https://youtu.be/tgGh2MGBMOc[/url]
Cette scène pose l'ambiance de tout l'épisode, d'abord par son décor, l'appartement de Mme Coulter, qui est distingué, impressionnant, orné de dorures et de décorations très nobles, mais qui se révèlera au fil de l'épisode être une lugubre prison. Ainsi, à l'opposé total de la caméra épaule à hauteur d'enfant du premier épisode, brute et chaotique, l'appartement est ici filmé avec une caméra fixe, parfaitement centrée, qui bouge avec des travellings très amples, lisses, majestueux, comme dans l'introduction de Mme Coulter dans l'épisode 1. On nous présente donc ce lieu, ce nouveau contexte comme noble, distingué, Lyra se retrouve dans la haute société impressionnante, d'une grandeur qu'elle n'avait jamais réellement expérimenté. Mais en parallèle de cet émerveillement, un climat ordonné, strict et discipliné se met en place, avec ces cadres systématiquement centrés et ces mouvements d'une régularité et d'une linéarité chirurgicale.
En plus de cela, l'atmosphère chaleureuse de Jordan College, véhiculée par les tons jaunes de la pierre et la lumière du jour toujours présente, est remplacée par une atmosphère très froide, grâce à l'usage de tons plus bleutés et une lumière tamisée, qui participera à l'ambiance de plus en plus inquiétante du lieu.
Remarquons enfin que, pendant la discussion entre Lyra et Pan, le daemon et la jeune fille sont filmés avec une très faible profondeur de champ, ils sont le seul élément net du champ, ce qui instaure une complicité et une relation très intime entre l'humain et son daemon. Ce procédé sera repris pendant tout l'épisode et apparaissait déjà dans le premier, je le trouve très efficace pour illustrer ce lien profond entre un humain et sa propre âme.
[*][u]La confrontation entre Lyra et Mme Coulter[/u]
[url]https://youtu.be/IaHr5CTGtZs[/url]
Alors, c'est sûrement ma scène préférée de l'épisode et la plus impactante en terme de mise en scène. On commence en douceur, avec un simple champ-contrechamp, en plan large qui met de la distance entre les personnage, et la valeur des plans va régulièrement changer pour accompagner l'intensité émotionnelle et l'évolution des rapports entre les deux interlocutrices. Notons que le dialogue est déjà filmé en caméra épaule, légèrement vacillante qui traduit l'instabilité de la situation et son explosion imminente.
Et là, première rupture, le singe attaque Pan. Le combat de daemons est particulièrement bien filmé, avec une caméra à hauteur de daemon qui produit donc une image assez originale, qui est au coeur de l'action et suit tous les mouvements de Pan dans sa détresse, ce qui implique immédiatement le spectateur, lui aussi poursuivi par ce maudit singe. Le montage, quant à lui, est très cut, très brutal, change régulièrement d'angle de prise de vue et montre que peu importe où il essaie de fuir, Pan est condamné. En parallèle du violent combat d'animaux, les rapports entre Mme Coulter et Lyra sont tout aussi poignants: Lyra, écrasée au sol, filmée en très gros plan, avec une faible profondeur de champ (seul son visage est net, elle est entourée de flou), et avec une caméra épaule nerveuse et chaotique, on se retrouve face à une image très bizarre, dérangeante qui traduit la détresse et la profonde détresse d'une Lyra parfaitement interprétée par Dafne Keen. Au contraire, au milieu de ce chaos, on a Mme Coulter, filmée en contre-plongée avec une caméra anormalement stable, qui a l'air impassible, imperturbable et d'une froideur glaçante dans sa position de domination écrasante.
La tension monte peu à peu, et puis une deuxième rupture: Mme Coulter craque et révèle qu'Asriel est le père de Lyra. Immédiatement, le chaos prend fin, une caméra tremblante accompagne des personnages tout aussi tremblants et perturbés après cette violente confrontation. La situation se calme, tandis qu'une Mme Coulter toujours plus intrigante, d'une tendresse paradoxale après la torture qu'elle vient d'infliger, compatit avec une Lyra dont l'univers s'effondre.
[*][u]La découverte des secrets de Mme Coulter[/u]
Partie 1:[url]https://youtu.be/E3uZP0ogu3I[/url]
Partie 2:[url]https://youtu.be/0QqodYRrueg[/url]
Cette scène est intéressante parce qu'elle met en jeu les différents procédés de mise en scène principaux dont je n'ai pas encore parlé. D'abord, procédés typiques de Tom Hooper, qu'il a particulièrement développés dans [i]Le Discours d'un Roi[/i]: isoler un personnage dans le décor dans un plan assez large, parfois avec le personnage excentré, pour instaurer une sensation de malaise, de "pas à sa place", et isoler le personnage en gros plan, excentré, avec une faible profondeur de champ, et si possible avec un angle de prise de vue particulier voire un objectif grand angle (c'est peu présent dans cette scène, mais on a régulièrement ce genre de plans dans l'épisode, notamment pendant la scène du Cardinal), ce qui produit une image très bizarre et perturbante.
Par ailleurs, la tension est très bien travaillée dans cette scène, grâce à l'utilisation de la caméra (l'éternelle caméra épaule quand la situation devient pressante et chaotique, et qui peine à se déplacer dans les conduits, comme Lyra), des décors (les jeux de perspective qui rendent les conduits interminables, leur étroitesse qui donne un sentiment d'étouffement et les grilles floues en amorce qui forment un obstacle à la caméra) et du montage (avec l'alternance permanente entre Lyra qui n'avance que difficilement et l'aiguille qui indique que l'ascenseur s'approche rapidement).
Finalement, on relèvera que les scènes des enfants enlevés sont toujours filmés dans des décors crasseux, avec des couleurs et une lumière assez "sales", en caméra épaule qui traduit la confusion des enfants. Mme Coulter y est filmée en contre-plongée à hauteur d'enfant, comme une sorte de guide, de lumière, d'idole propre et rassurante au milieu de ces catacombes, d'où la confiance que les enfants lui accordent, faute d'avoir autre chose à quoi se raccrocher.
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[/spoiler]
Voilà, du coup j'ai toujours aussi hâte de voir la suite. A mon avis, le ton et les codes de la saison ont été donnés par ces deux premiers épisodes, donc je suis confiant. Je ne sais pas si je continuerai de faire de longues critiques/analyses maintenant que Tom Hooper n'est plus à la mise en scène, vu que c'est assez chronophage, je pense plutôt donner des avis plus succincts avec éventuellement une ou deux analyses de scènes si vraiment ça en vaut la peine.
Au plaisir d'en discuter avec vous!