par El Famoso » mar. 17 déc. 2019, 01:33
Bon, je fais ma review particulièrement tard, j'ai eu une semaine chargée en révisions (à l'utilité discutable, d'ailleurs, puisque mes examens ont été reportés d'un mois au tout dernier moment...). Mais maintenant je suis en vacances (c'est le bon côté du report), donc pour une fois je peux vous faire une critique à une heure décente (
22h)!
Je vais le dire immédiatement: c'est mon épisode préféré pour l'instant. Pas le plus maîtrisé et équilibré de la saison, ça reste le 4 d'après moi, mais c'est le plus poignant, celui qui m'a procuré les sensations les plus fortes.
Et entre la fin de la précédente phrase et le début de celle-ci, j'ai eu une interruption qui fait que l'heure est déjà moins décente (
23h15), donc on va passer à la critique sous balise:
- Acteurs
Rien à dire de plus que les semaines précédentes, tous très bons.
- Scénario
Cette semaine on reste assez proche du livre, malgré une bataille de fin avec moins d'ampleur que dans le livre, mais c'est justifié par la cohésion narrative dans l'épisode. En effet, ici, un parti pris qui régit tout l'épisode: "stick to Lyra". On est avec elle de bout en bout, on découvre cette macabre station à travers ses yeux, on en sort avec elle, et surtout, on ressent les mêmes émotions fortes qu'elle!
On notera aussi l'absence de Kaisa qui libère les daemons, mais c'est à mon avis dû à un parti pris que je vais détailler à la fin, pour répondre à vos nombreuses déceptions sur les daemons.
- Mise en scène
Alors, pour une fois, ça devrait être court (ça fait du bien de temps en temps ), non pas parce que la mise en scène est moins réussie que dans les autres épisodes, mais au contraire parce qu'elle ne se repose que sur quelques procédés qu'elle pousse jusqu'au bout, sur la mlongueur, pour travailler une ambiance.
D'abord, la grande majorité des plans à Bolvangar sont tournés avec une courte focale (ou objectif grand angle), on a donc des personnages centrés au milieu de grands décors de béton au perspectives exagérées, ce qui produit un sentiment oppressant, un malaise constant. Au niveau des gros plans, la courte focale exagère aussi légèrement les perspectives sur les visages, ce qui renforce cette étrangeté, et donne une seule envie: quitter cette maudite station.
Par ailleurs, et c'est il me semble la première fois que j'en parle de toutes mes critiques sur la série, le montage a un important rôle à jouer dans la tension qu'on ressent pendant l'épisode. En effet, au début, on pose assez tranquillement, et surtout efficacement, l'horreur de Bolvangar et le contexte, et ainsi, dès que Mme Coulter arrive, on ne se pose plus, on ne lâche plus une seconde la tension, la menace de Mme Coulter plane pendant l'inspection, puis au début de la scène dans le réfectoire, durant laquelle la menace change et devient celle de l'intercision. La scène de l'intercision est particulièrement poignante, avec des plans courts, un montage ciselé, les cris de désespoir qui glacent le sang, jusqu'à ce que Mme Coulter arrive, comme une présence finalement salvatrice.
Ce qui nous amène au dialogue entre Lyra et sa mère, où la tension entre les deux personnages, malgré la sincérité de Mme Coulter et la comédie jouée par Lyra, reste toujours présente, soulignée par le fait qu'à chaque plan du champ-contrechamp, l'interlocutrice du personnage qui parle est présent en amorce, au premier plan du cadre: les personnages se font obstacle, le dialogue est fermé.
En outre, la scène dans le ballon de Lee, reprend des codes horrifiques, avec les instruments qui s'affolent mystérieusement, puis des bruits suspects, le tout dans un espace très restreint, de nuit avec un éclairage très faible. Ici, le montage tend plutôt à étirer le temps, à travailler le suspense, jusqu'à la révélation de la créature: les monstres des falaises, à l'apparence très éloignée de ce que j'imaginais mais néanmoins tout à fait convaincante.
Et puis, soulignons que le "stick to Lyra" vaut aussi pour la mise en scène: tout est filmé à sa hauteur, parfois même à travers ses yeux (l'inspection des dortoirs et ce maudit singe), et, pendant la bataille entre les Gitans et les Tartares, la caméra, plutôt que de montrer une grande bataille épique, reste collée à Lyra, la suit dans sa fuite, se retournant juste pour montrer le chaos alentour (d'ailleurs, petite note sur la bataille, que j'ai vraiment trouvée très esthétique, entre la lumière blanche qui éclaire les flocons de neige au-dessus de Farder Coram et l'effet de fumée accompagnant Serafina, lui donnant toujours cette aura mystique et mystérieuse).
On a donc, en résumé, une mise en scène qui cherche à nous faire ressentir les événements comme Lyra, et qui joue sur le cadre et le montage pour générer tension et malaise.
Enfin, j'ai vu beaucoup d'entre vous être déçus du traitement des daemons, et c'est assez naturel quand on a le livre en tête pendant les épisodes. Or, il ne faut pas oublier que c'est une adaptation, qui adopte donc ses codes, sa narration, les éléments sur lesquels elle veut/peut se focaliser... Et, de mon côté, je discute beaucoup avec un type qui est à fond dans la série, mais n'a aucune connaissance des livres. C'est très enrichissant, et ça ma permis de développer un peu mon point de vue sur la question des daemons, donc permettez-moi d'apporter ma pierre à l'édifice.
Pour commencer, il faut cerner l'ambition de la série à ce niveau, et, pour des questions de budget (ça coûte une sacrée somme d'animer chaque daemon), il n'est pas possible de tout miser sur les daemons comme peuvent parfois le faire les livres pour faire passer leur propos. En effet, le postulat est ici de ne montrer que les daemons qui sont utiles sur le moment (donc des personnages principaux, ou par exemple le papillon de la journaliste dans l'épisode 2 ou le renard de la chef de Bolvangar), avec de temps en temps un daemon dans le fond (on a le daemon du barman qui se ballade dans l'arrière-plan pendant que Lee se bat dans l'épisode 4). On a aussi, parfois, les daemons utilisés comme synecdoques, pour désigner un certain type de personnages: une nuée d'oiseaux pour montrer les Gitans, ou des loups pour les Tartares. Finalement, vous remarquerez que même si c'est parfois frustrant que l'environnement ne grouille pas de daemons, ils restent ancrés dans le paysage de la série, en toile de fond.
Par ailleurs, la série prend quand même le temps de développer des relations clés, assez intimes, et de natures variées, entre certains personnages principaux et leurs compagnons: Lyra et Pan, bien sûr, dont la complicité est naturelle, Lee et Hester, dont la relation assez comique et légère est vraiment très mise en avant dans l'épisode 4 (suffisamment pour en être marquante), et Mme Coulter et son singe doré, relation d'animosité, voire de haine, qui tranche avec la complicité observée chez les autres personnages et renforce l'intérêt qu'on peut avoir pour les daemons en général.
Mais c'est là que mon point arrive: dans les livres, le lecteur rentre dans l'univers en grande partie grâce à cet élément unique et fascinant que sont les daemons, c'est le point de focus central. La série ne peut juste pas se permettre de faire ça, donc elle cible des points bien spécifiques, des points clés pour conserver au maximum le sens métaphorique des daemons. Cependant, et c'est en discutant avec mon camarade non initié que je l'ai compris, la série ne mise pas sur les daemons pour accrocher le spectateur, non. Au contraire, c'est une série à gros budget, donc elle l'exploite pour livrer un univers impressionnant, vaste, adopte de nombreux points de vue. C'est là la majeure différence entre la série et les livres: l'échelle! Les livres sont intimistes, la série est grandiose. Et c'est ce grandiose, cette aventure, cette dose de rêve offert par les décors et les personnages qui accroche le spectateur; les daemons, eux, sont là pour le sens, pour le spectateur suffisamment intéressé pour aller chercher plus en profondeur et interpréter les métaphores sous-jacentes au divertissement proposé par ce programme à gros budget.
Par conséquent, je pense qu'il faut aborder la série avec le bon paradigme, le bon état d'esprit, en étant conscient de ce parti-pris qui n'est finalement ni bon, ni mauvais, juste dicté par des contraintes techniques inévitables dans un programme grand public. Une fois qu'on a accepté ce postulat, "l'aventure et l'univers d'abord, la métaphore après", on apprécie bien mieux l'ensemble, débarrassé de prises de tête uniquement dûes à une dissonance entre les attentes d'un lecteur et l'ambition-même de l'adaptation.
Bon, puisque le paragraphe précédent est déjà beaucoup trop long et dense, je vous propose de souffler et de commenter un peu la représentation des daemons dans cet épisode en particulier, et vous verrez que c'est loin d'être si décevant, tout bien réfléchi (l'avantage de faire les critiques à froid aussi, j'ai eu l'occasion de réfléchir et de relativiser ). D'abord, on relève une présence accrue des daemons par rapport aux autres épisodes: il y a quasiment toujours au moins un daemon dans le cadre! Et, dans les plans larges, il peut y en avoir facilement 2-3 appartenant à des figurants! Les daemons ont beau ne pas être nombreux, ils sont plus présents que d'habitude, et ça suffit à établir un contraste, à souligner leur importance par leur simple présence régulière (cf. ma critique de l'épisode précédent). Aussi, lorsque la petite du début s'apprête à être envoyée dans la machine, l'accent est mis sur son daemon, et, sur le moment, c'est ce qui importe.
Aussi, parlons des enfants intercisés. Alors que l'épisode précédent montrait surtout l'impact psychologique et moral de l'intercision, là, c'est bien de mutilation physique dont il est question. D'une part on a des enfants chauves, inexpressifs, inquiétants lorsqu'ils comptent sans s'arrêter, et habillés de rouge pendant la scène de l'évasion, couleur qui les rend marginaux dans cet environnement très noir et blanc, et donne l'impression, métaphoriquement, qu'ils sont tâchés de sang. D'autre part, leurs daemons, dans les cages, sont complètement inertes. En fait, on dirait des animaux morts, et c'est pour ça qu'on ne pouvait pas montrer Kaisa les délivrer: dans cette version, ils ne peuvent pas s'échapper! Pour compenser leur présence réduite, il faut des images fortes, impactantes pour montrer l'importance des daemons et l'horreur de l'intercision. Et maintenant, prêtez attention à la combinaison de ces éléments: des enfants chauves, sans émotions, sans identité, des fantômes accompagnés d'animaux à l'apparence de cadavres dans des cages. Flippant, non? Dans l'épisode précédent, on se concentrait sur l'émotion, le deuil, la tristesse, et l'amour avec la mort de Billy. Mais ici, on a nos mutilés, nos montres, nos "hommes sans visage" pour reprendre les termes du livre. Et le fait d'avoir des images aussi fortes, et en plus sur un groupe d'enfants, pour bien souligner la perte totale de leur identité, ça dérange même les gens du monde réel, c'est le genre d'image choc qui remplace un narrateur omniscient, c'est là où le scénario pur s'efface devant la mise en scène, c'est là où les codes littéraires laissent place aux codes cinématographiques.
Ainsi, mes camarades, si vous adoptez le bon regard, le regard qui révèle les ambitions (et les réussites!) de cette adaptation, si vous laissez votre connaissance des romans être un outil d'interprétation mais pas un carcan dictant ce que cet univers DOIT être, alors vous pourrez apprécier pleinement tout ce que cette adaptation apporte de neuf.
Ce sera donc là ma conclusion, les paroles d'un très grand passionné de comics, qui est habitué à voir des personnages passer d'auteur en auteur depuis 80 ans, les mêmes histoires être racontées encore et encore sous des prismes inédits, des ambitions différentes et des thèmes étonnamment variés et inattendus émerger d'un même matériau de base: quand vous êtes confrontés à une adaptation d'une oeuvre, ou même à n'importe quelle réappropriation d'une oeuvre par un autre auteur que l'auteur d'origine, prenez l'oeuvre qui en découle comme ce qu'elle est: une réinterprétation, et pas une transposition. Saisissez la richesse de l'apport de cette nouvelle vision à l'histoire de l'oeuvre, et comprenez les nouvelles ambitions et partis pris plutôt que de déplorer l'absence d'éléments que vous chérissez. Il n'y a rien de plus déplorable que de ne voir que ce qui n'est pas là en restant aveugle à ce qui est là (d'ailleurs, niveau cinéma, je recommande fortement le film
Ad Astra, qui traite ce thème).
Bon, des fois l'adaptation vaut pas le coup et apporte beaucoup moins qu'elle ne retire évidemment, et je vois bien sûr que vous appréciez la série et voyez une partie considérable de ses qualités propres, mais admettez que la tirade fait moins lyrique quand on y intègre la nuance
PS: Bon bah c'est encore raté pour l'heure décente de publication (il est 1h38...). En fait, je crois que j'ai jamais fait pire
Allez, on va essayer, sur les deux épisodes restants, de poster au moins une critique à une heure convenable! Et je vais pas tarder à dormir moi
Bon, je fais ma review particulièrement tard, j'ai eu une semaine chargée en révisions (à l'utilité discutable, d'ailleurs, puisque mes examens ont été reportés d'un mois au tout dernier moment...). Mais maintenant je suis en vacances (c'est le bon côté du report), donc pour une fois je peux vous faire une critique à une heure décente ([i]22h[/i])!
Je vais le dire immédiatement: c'est mon épisode préféré pour l'instant. Pas le plus maîtrisé et équilibré de la saison, ça reste le 4 d'après moi, mais c'est le plus poignant, celui qui m'a procuré les sensations les plus fortes.
Et entre la fin de la précédente phrase et le début de celle-ci, j'ai eu une interruption qui fait que l'heure est déjà moins décente ([i]23h15[/i]), donc on va passer à la critique sous balise:
[spoiler]
[list]
[*][b][u]Acteurs[/u][/b]
Rien à dire de plus que les semaines précédentes, tous très bons.
[*][u][b]Scénario[/b][/u]
Cette semaine on reste assez proche du livre, malgré une bataille de fin avec moins d'ampleur que dans le livre, mais c'est justifié par la cohésion narrative dans l'épisode. En effet, ici, un parti pris qui régit tout l'épisode: "stick to Lyra". On est avec elle de bout en bout, on découvre cette macabre station à travers ses yeux, on en sort avec elle, et surtout, on ressent les mêmes émotions fortes qu'elle!
On notera aussi l'absence de Kaisa qui libère les daemons, mais c'est à mon avis dû à un parti pris que je vais détailler à la fin, pour répondre à vos nombreuses déceptions sur les daemons.
[*][u][b]Mise en scène[/b][/u]
Alors, pour une fois, ça devrait être court (ça fait du bien de temps en temps :-D ), non pas parce que la mise en scène est moins réussie que dans les autres épisodes, mais au contraire parce qu'elle ne se repose que sur quelques procédés qu'elle pousse jusqu'au bout, sur la mlongueur, pour travailler une ambiance.
D'abord, la grande majorité des plans à Bolvangar sont tournés avec une courte focale (ou objectif grand angle), on a donc des personnages centrés au milieu de grands décors de béton au perspectives exagérées, ce qui produit un sentiment oppressant, un malaise constant. Au niveau des gros plans, la courte focale exagère aussi légèrement les perspectives sur les visages, ce qui renforce cette étrangeté, et donne une seule envie: quitter cette maudite station.
Par ailleurs, et c'est il me semble la première fois que j'en parle de toutes mes critiques sur la série, le montage a un important rôle à jouer dans la tension qu'on ressent pendant l'épisode. En effet, au début, on pose assez tranquillement, et surtout efficacement, l'horreur de Bolvangar et le contexte, et ainsi, dès que Mme Coulter arrive, on ne se pose plus, on ne lâche plus une seconde la tension, la menace de Mme Coulter plane pendant l'inspection, puis au début de la scène dans le réfectoire, durant laquelle la menace change et devient celle de l'intercision. La scène de l'intercision est particulièrement poignante, avec des plans courts, un montage ciselé, les cris de désespoir qui glacent le sang, jusqu'à ce que Mme Coulter arrive, comme une présence finalement salvatrice.
Ce qui nous amène au dialogue entre Lyra et sa mère, où la tension entre les deux personnages, malgré la sincérité de Mme Coulter et la comédie jouée par Lyra, reste toujours présente, soulignée par le fait qu'à chaque plan du champ-contrechamp, l'interlocutrice du personnage qui parle est présent en amorce, au premier plan du cadre: les personnages se font obstacle, le dialogue est fermé.
En outre, la scène dans le ballon de Lee, reprend des codes horrifiques, avec les instruments qui s'affolent mystérieusement, puis des bruits suspects, le tout dans un espace très restreint, de nuit avec un éclairage très faible. Ici, le montage tend plutôt à étirer le temps, à travailler le suspense, jusqu'à la révélation de la créature: les monstres des falaises, à l'apparence très éloignée de ce que j'imaginais mais néanmoins tout à fait convaincante.
Et puis, soulignons que le "stick to Lyra" vaut aussi pour la mise en scène: tout est filmé à sa hauteur, parfois même à travers ses yeux (l'inspection des dortoirs et ce maudit singe), et, pendant la bataille entre les Gitans et les Tartares, la caméra, plutôt que de montrer une grande bataille épique, reste collée à Lyra, la suit dans sa fuite, se retournant juste pour montrer le chaos alentour (d'ailleurs, petite note sur la bataille, que j'ai vraiment trouvée très esthétique, entre la lumière blanche qui éclaire les flocons de neige au-dessus de Farder Coram et l'effet de fumée accompagnant Serafina, lui donnant toujours cette aura mystique et mystérieuse).
On a donc, en résumé, une mise en scène qui cherche à nous faire ressentir les événements comme Lyra, et qui joue sur le cadre et le montage pour générer tension et malaise.
Enfin, j'ai vu beaucoup d'entre vous être déçus du traitement des daemons, et c'est assez naturel quand on a le livre en tête pendant les épisodes. Or, il ne faut pas oublier que c'est une adaptation, qui adopte donc ses codes, sa narration, les éléments sur lesquels elle veut/peut se focaliser... Et, de mon côté, je discute beaucoup avec un type qui est à fond dans la série, mais n'a aucune connaissance des livres. C'est très enrichissant, et ça ma permis de développer un peu mon point de vue sur la question des daemons, donc permettez-moi d'apporter ma pierre à l'édifice.
Pour commencer, il faut cerner l'ambition de la série à ce niveau, et, pour des questions de budget (ça coûte une sacrée somme d'animer chaque daemon), il n'est pas possible de tout miser sur les daemons comme peuvent parfois le faire les livres pour faire passer leur propos. En effet, le postulat est ici de ne montrer que les daemons qui sont utiles sur le moment (donc des personnages principaux, ou par exemple le papillon de la journaliste dans l'épisode 2 ou le renard de la chef de Bolvangar), avec de temps en temps un daemon dans le fond (on a le daemon du barman qui se ballade dans l'arrière-plan pendant que Lee se bat dans l'épisode 4). On a aussi, parfois, les daemons utilisés comme synecdoques, pour désigner un certain type de personnages: une nuée d'oiseaux pour montrer les Gitans, ou des loups pour les Tartares. Finalement, vous remarquerez que même si c'est parfois frustrant que l'environnement ne grouille pas de daemons, ils restent ancrés dans le paysage de la série, en toile de fond.
Par ailleurs, la série prend quand même le temps de développer des relations clés, assez intimes, et de natures variées, entre certains personnages principaux et leurs compagnons: Lyra et Pan, bien sûr, dont la complicité est naturelle, Lee et Hester, dont la relation assez comique et légère est vraiment très mise en avant dans l'épisode 4 (suffisamment pour en être marquante), et Mme Coulter et son singe doré, relation d'animosité, voire de haine, qui tranche avec la complicité observée chez les autres personnages et renforce l'intérêt qu'on peut avoir pour les daemons en général.
Mais c'est là que mon point arrive: dans les livres, le lecteur rentre dans l'univers en grande partie grâce à cet élément unique et fascinant que sont les daemons, c'est le point de focus central. La série ne peut juste pas se permettre de faire ça, donc elle cible des points bien spécifiques, des points clés pour conserver au maximum le sens métaphorique des daemons. Cependant, et c'est en discutant avec mon camarade non initié que je l'ai compris, la série ne mise pas sur les daemons pour accrocher le spectateur, non. Au contraire, c'est une série à gros budget, donc elle l'exploite pour livrer un univers impressionnant, vaste, adopte de nombreux points de vue. C'est là la majeure différence entre la série et les livres: l'échelle! Les livres sont intimistes, la série est grandiose. Et c'est ce grandiose, cette aventure, cette dose de rêve offert par les décors et les personnages qui accroche le spectateur; les daemons, eux, sont là pour le sens, pour le spectateur suffisamment intéressé pour aller chercher plus en profondeur et interpréter les métaphores sous-jacentes au divertissement proposé par ce programme à gros budget.
Par conséquent, je pense qu'il faut aborder la série avec le bon paradigme, le bon état d'esprit, en étant conscient de ce parti-pris qui n'est finalement ni bon, ni mauvais, juste dicté par des contraintes techniques inévitables dans un programme grand public. Une fois qu'on a accepté ce postulat, "l'aventure et l'univers d'abord, la métaphore après", on apprécie bien mieux l'ensemble, débarrassé de prises de tête uniquement dûes à une dissonance entre les attentes d'un lecteur et l'ambition-même de l'adaptation.
Bon, puisque le paragraphe précédent est déjà beaucoup trop long et dense, je vous propose de souffler et de commenter un peu la représentation des daemons dans cet épisode en particulier, et vous verrez que c'est loin d'être si décevant, tout bien réfléchi (l'avantage de faire les critiques à froid aussi, j'ai eu l'occasion de réfléchir et de relativiser ^^). D'abord, on relève une présence accrue des daemons par rapport aux autres épisodes: il y a quasiment toujours au moins un daemon dans le cadre! Et, dans les plans larges, il peut y en avoir facilement 2-3 appartenant à des figurants! Les daemons ont beau ne pas être [i]nombreux[/i], ils sont plus [i]présents[/i] que d'habitude, et ça suffit à établir un contraste, à souligner leur importance par leur simple présence régulière (cf. ma critique de l'épisode précédent). Aussi, lorsque la petite du début s'apprête à être envoyée dans la machine, l'accent est mis sur son daemon, et, sur le moment, c'est ce qui importe.
Aussi, parlons des enfants intercisés. Alors que l'épisode précédent montrait surtout l'impact psychologique et moral de l'intercision, là, c'est bien de mutilation physique dont il est question. D'une part on a des enfants chauves, inexpressifs, inquiétants lorsqu'ils comptent sans s'arrêter, et habillés de rouge pendant la scène de l'évasion, couleur qui les rend marginaux dans cet environnement très noir et blanc, et donne l'impression, métaphoriquement, qu'ils sont tâchés de sang. D'autre part, leurs daemons, dans les cages, sont complètement inertes. En fait, on dirait des animaux morts, et c'est pour ça qu'on ne pouvait pas montrer Kaisa les délivrer: dans cette version, ils ne peuvent pas s'échapper! Pour compenser leur présence réduite, il faut des images fortes, impactantes pour montrer l'importance des daemons et l'horreur de l'intercision. Et maintenant, prêtez attention à la combinaison de ces éléments: des enfants chauves, sans émotions, sans identité, des fantômes accompagnés d'animaux à l'apparence de cadavres dans des cages. Flippant, non? Dans l'épisode précédent, on se concentrait sur l'émotion, le deuil, la tristesse, et l'amour avec la mort de Billy. Mais ici, on a nos mutilés, nos montres, nos "hommes sans visage" pour reprendre les termes du livre. Et le fait d'avoir des images aussi fortes, et en plus sur un groupe d'enfants, pour bien souligner la perte totale de leur identité, ça dérange même les gens du monde réel, c'est le genre d'image choc qui remplace un narrateur omniscient, c'est là où le scénario pur s'efface devant la mise en scène, c'est là où les codes littéraires laissent place aux codes cinématographiques.
Ainsi, mes camarades, si vous adoptez le bon regard, le regard qui révèle les ambitions (et les réussites!) de cette adaptation, si vous laissez votre connaissance des romans être un outil d'interprétation mais pas un carcan dictant ce que cet univers DOIT être, alors vous pourrez apprécier pleinement tout ce que cette adaptation apporte de neuf.
[/list]
Ce sera donc là ma conclusion, les paroles d'un très grand passionné de comics, qui est habitué à voir des personnages passer d'auteur en auteur depuis 80 ans, les mêmes histoires être racontées encore et encore sous des prismes inédits, des ambitions différentes et des thèmes étonnamment variés et inattendus émerger d'un même matériau de base: quand vous êtes confrontés à une adaptation d'une oeuvre, ou même à n'importe quelle réappropriation d'une oeuvre par un autre auteur que l'auteur d'origine, prenez l'oeuvre qui en découle comme ce qu'elle est: une réinterprétation, et pas une transposition. Saisissez la richesse de l'apport de cette nouvelle vision à l'histoire de l'oeuvre, et comprenez les nouvelles ambitions et partis pris plutôt que de déplorer l'absence d'éléments que vous chérissez. Il n'y a rien de plus déplorable que de ne voir que ce qui n'est pas là en restant aveugle à ce qui est là (d'ailleurs, niveau cinéma, je recommande fortement le film [i]Ad Astra[/i], qui traite ce thème).
Bon, des fois l'adaptation vaut pas le coup et apporte beaucoup moins qu'elle ne retire évidemment, et je vois bien sûr que vous appréciez la série et voyez une partie considérable de ses qualités propres, mais admettez que la tirade fait moins lyrique quand on y intègre la nuance :roll:
[/spoiler]
PS: Bon bah c'est encore raté pour l'heure décente de publication (il est 1h38...). En fait, je crois que j'ai jamais fait pire :hum:
Allez, on va essayer, sur les deux épisodes restants, de poster au moins une critique à une heure convenable! Et je vais pas tarder à dormir moi :fatigué: