par El Famoso » jeu. 21 nov. 2019, 22:32
Hey, je vois que mes critiques sont désormais attendues, ça fait plaisir!
J'ai pas énormément de temps, du coup je vais pas faire d'analyse détaillée de scène (j'y reviendrai peut-être plus tard, si je suis motivé), mais j'ai tout de même quelques trucs à commenter.
Pour commencer, j'aime toujours autant la série, qui reste très bien menée malgré le départ d'Hooper. Comme l'a déjà noté Haku, le réalisateur de cet épisode (qui, d'après sa page Wikipédia, vient du clip musical et du documentaire) livre une copie moins maîtrisée que Tom Hooper dans l'ensemble. On retourne à une réalisation plus télévisuelle, mais qui a tout de même les moyens de satisfaire un certain niveau d'ambition. Déjà, vous noterez qu'on a une forte continuité esthétique, au niveau de la direction artistique, bien sûr, mais aussi dans le travail de la lumière ou de la profondeur de champ, et même de la composition de certains plans. Ce n'est pas étonnant, Tom Hooper étant resté assez sage et n'imposant pas son identité de manière trop marquée et contraignante (on sent son style et sa maîtrise dans les premiers épisodes, mais il n'y va pas à fond dans ses plans à la composition très bizarre qu'on pouvait sentir dans chaque scène du
Discours d'un Roi), il permet à ses successeurs de reprendre une partie des codes qu'il a instaurés pour donner une continuité de mise en scène à la série.
Mais ça reste adapté de manière surprenante et intéressante, bien écrit, les acteurs sont toujours tous géniaux (mention spéciale à Ariyon Bakare, que je ne voyais pas du tout en Boreal, et que je trouve finalement très charismatique) et même la mise en scène se permet quelques fulgurances ponctuelles.
Du coup, la suite de mon avis sous spoiler:
D'abord, petite remarque sur le découpage des épisodes, qui semble en fait suivre une logique très intéressante: chaque épisode est centré avant tout autour d'un décor principal, et a donc son identité visuelle et d'ambiance propre. C'est bien vu, puisque chez Pullman, des éléments importants sont apportés à chaque chapitre, les pivots dramatiques et narratifs ne contraignent pas le découpage de l'intrigue au format épisodique, et la variété d'environnements traversés par Lyra est finalement une très bonne base narrative, avec chaque épisode associé à une étape du voyage, et par conséquent à un lieu.
Donc normalement, on aura dans la saison un découpage de ce genre:
1: Jordan College et Oxford
2: L'appartement de Mme Coulter et Londres
3: Les péniches des gitans et les zones fluviales de cet univers
4: Trollesund
5: La toundra et les vastes plaines glacées du Nord
6: Bolvangar
7: Svalbard
8: Le labo d'Asriel
Par ailleurs, la mise en scène de l'épisode présente quand même pas mal de moments intéressants. D'abord, on a une multitude de scènes bien plus posées, sobres et intimistes que dans les deux premiers, permettant de tisser les liens entre Lyra et les gitans (surtout Farder Coram et Ma Costa qui s'imposent très naturellement comme des parents de substitution en à peine quelques dialogues) en donnant un sentiment de sincérité des sentiments, avec une caméra épaule cette fois-ci non pas stylisée mais discrète, utilisée pour sa fonction la plus courante: donner un effet documentaire, pris sur le vif et donnant donc un côté très authentique aux scènes, ceci couplé à la lumière assez grise, et donc en apparence très naturelle, présente dans les péniches. En parallèle, on développe aussi Mme Coulter par des scènes très intimistes, mais très stylisées, avec des plans fixes très composés et esthétiques, avec une lumière très travaillée, qui donne une ambiance assez éthérée voire légèrement irréelle aux scènes: le plan du singe refermant la porte pendant qu'elle massacre les coussins est à la fois brutal et magnifique, à l'image de Mme Coulter, tandis que son escapade sur le balcon la rend à la fois effrayante et dérangée mais aussi attachante, presque pathétique par son air innocent et enfantin qui la rapproche de sa fille.
En opposition à ces scènes sobres, sincères et intimistes, les deux scènes qui sont peut être les plus clivantes: l'assemblée des Gitans et le dialogue entre Ma Costa et Lyra révélant que Mme Coulter est la mère de cette dernière. Ces scènes constituent les pivots dramatiques de l'épisode, et contrairement à certains ici, je les ai beaucoup aimés, pour une raison simple: oui, ils paraissent beaucoup plus moins subtils, sobres et naturels que le reste des dialogues, mais sont mis en scène en conséquence! En effet, vous remarquerez que les deux ont tendance à utiliser des plans très larges, situant régulièrement les personnages dans l'espace de ce qui leur sert de scène, et se concentrant ensuite sur des grandes tirades où la caméra se concentre sur un acteur en particulier qui livre une tirade de manière très dramatique. Avec les mots que j'ai mis en gras, vous commencez à comprendre où je veux en venir: les pivots dramatiques sont ici mis en scène avant tout comme du théâtre filmé, et une fois qu'on a compris cette intention (qu'i n'est pas étonnante, Jack Thorne étant principalement connu pour un script de théâtre: Harry Potter et l'enfant maudit), le tout passe bien mieux, surtout que les britanniques ont un certain talent pour jouer et mettre en scène des scènes extrêmement théâtrales (voir la série Sherlock, par exemple, de la BBC aussi), et les rendre poignantes quand on les observe sous cet angle.
Et, alors que le dialogue entre Ma et Lyra est avant tout pensé pour mettre en valeur les deux très bonnes actrices et leur potentiel dramatique, le discours final de John Faa, après le débat, est aussi particulièrement efficace par sa musicalité: la voix de l'acteur, engagée et puissante, se marie parfaitement aux pieds qui frappent en rythme contre le sol sur le magnifique thème " Strength of the Gyptians" de Lorne Balfe (on reconnaît là que le réalisateur a réalisé pas mal de clips, et sait donc bien axer une scène autour d'un motif sonore et rythmique). Et, petite parenthèse, je ne suis pas vraiment dérangé par le fait que la scène ait été écourtée par rapport au livre, parce qu'elle servait avant tout à montrer l'organisation de cette communauté, qui a ici déjà été bien développée en toile de fond des 2 premiers épisodes avec la cérémonie pour Tony et la traque pour retrouver Billy.
Enfin, j'aime particulièrement la manière de filmer l'aléthiomètre, avec une très faible profondeur de champ et un assez grand angle pour filmer Lyra, qui fait sentir qu'elle est complètement absorbée, en transe devant l'instrument, qui d'ailleurs illumine littéralement son regard par son reflet. Et les plans sur l'aléthiomètre, avec la caméra portée par l'aiguille, ces plans extrêmement rapprochés qui nous font littéralement nous promener sur l'aléthiomètre, qui est d'ailleurs magnifique, nous rendent tout aussi fascinée et absorbés que Lyra. Et puis le thème du générique joué à ce moment rajoute une dimension épique à la scène.
Voilà, il y a bien quelques autres plans isolés qui m'ont bien plu, notamment pendant que la police fouille la péniche pour trouver Lyra, mais je pense avoir dit l'essentiel sur ce qui m'avait plu et interpellé dans l'épisode.
J'espère que mon analyse vous aura fait voir certaines scènes sous une nouvelle perspective, et, comme toujours, au plaisir d'en débattre!
Hey, je vois que mes critiques sont désormais attendues, ça fait plaisir!
J'ai pas énormément de temps, du coup je vais pas faire d'analyse détaillée de scène (j'y reviendrai peut-être plus tard, si je suis motivé), mais j'ai tout de même quelques trucs à commenter.
Pour commencer, j'aime toujours autant la série, qui reste très bien menée malgré le départ d'Hooper. Comme l'a déjà noté Haku, le réalisateur de cet épisode (qui, d'après sa page Wikipédia, vient du clip musical et du documentaire) livre une copie moins maîtrisée que Tom Hooper dans l'ensemble. On retourne à une réalisation plus télévisuelle, mais qui a tout de même les moyens de satisfaire un certain niveau d'ambition. Déjà, vous noterez qu'on a une forte continuité esthétique, au niveau de la direction artistique, bien sûr, mais aussi dans le travail de la lumière ou de la profondeur de champ, et même de la composition de certains plans. Ce n'est pas étonnant, Tom Hooper étant resté assez sage et n'imposant pas son identité de manière trop marquée et contraignante (on sent son style et sa maîtrise dans les premiers épisodes, mais il n'y va pas à fond dans ses plans à la composition très bizarre qu'on pouvait sentir dans chaque scène du [i]Discours d'un Roi[/i]), il permet à ses successeurs de reprendre une partie des codes qu'il a instaurés pour donner une continuité de mise en scène à la série.
Mais ça reste adapté de manière surprenante et intéressante, bien écrit, les acteurs sont toujours tous géniaux (mention spéciale à Ariyon Bakare, que je ne voyais pas du tout en Boreal, et que je trouve finalement très charismatique) et même la mise en scène se permet quelques fulgurances ponctuelles.
Du coup, la suite de mon avis sous spoiler:
[spoiler]
D'abord, petite remarque sur le découpage des épisodes, qui semble en fait suivre une logique très intéressante: chaque épisode est centré avant tout autour d'un décor principal, et a donc son identité visuelle et d'ambiance propre. C'est bien vu, puisque chez Pullman, des éléments importants sont apportés à chaque chapitre, les pivots dramatiques et narratifs ne contraignent pas le découpage de l'intrigue au format épisodique, et la variété d'environnements traversés par Lyra est finalement une très bonne base narrative, avec chaque épisode associé à une étape du voyage, et par conséquent à un lieu.
Donc normalement, on aura dans la saison un découpage de ce genre:
1: Jordan College et Oxford
2: L'appartement de Mme Coulter et Londres
3: Les péniches des gitans et les zones fluviales de cet univers
4: Trollesund
5: La toundra et les vastes plaines glacées du Nord
6: Bolvangar
7: Svalbard
8: Le labo d'Asriel
Par ailleurs, la mise en scène de l'épisode présente quand même pas mal de moments intéressants. D'abord, on a une multitude de scènes bien plus posées, sobres et intimistes que dans les deux premiers, permettant de tisser les liens entre Lyra et les gitans (surtout Farder Coram et Ma Costa qui s'imposent très naturellement comme des parents de substitution en à peine quelques dialogues) en donnant un sentiment de sincérité des sentiments, avec une caméra épaule cette fois-ci non pas stylisée mais discrète, utilisée pour sa fonction la plus courante: donner un effet documentaire, pris sur le vif et donnant donc un côté très authentique aux scènes, ceci couplé à la lumière assez grise, et donc en apparence très naturelle, présente dans les péniches. En parallèle, on développe aussi Mme Coulter par des scènes très intimistes, mais très stylisées, avec des plans fixes très composés et esthétiques, avec une lumière très travaillée, qui donne une ambiance assez éthérée voire légèrement irréelle aux scènes: le plan du singe refermant la porte pendant qu'elle massacre les coussins est à la fois brutal et magnifique, à l'image de Mme Coulter, tandis que son escapade sur le balcon la rend à la fois effrayante et dérangée mais aussi attachante, presque pathétique par son air innocent et enfantin qui la rapproche de sa fille.
En opposition à ces scènes sobres, sincères et intimistes, les deux scènes qui sont peut être les plus clivantes: l'assemblée des Gitans et le dialogue entre Ma Costa et Lyra révélant que Mme Coulter est la mère de cette dernière. Ces scènes constituent les pivots dramatiques de l'épisode, et contrairement à certains ici, je les ai beaucoup aimés, pour une raison simple: oui, ils paraissent beaucoup plus moins subtils, sobres et naturels que le reste des dialogues, mais sont mis en scène en conséquence! En effet, vous remarquerez que les deux ont tendance à utiliser des plans très larges, situant régulièrement les personnages dans l'espace de ce qui leur sert de [b]scène[/b], et se concentrant ensuite sur des grandes tirades où la caméra se concentre sur un [b]acteur[/b] en particulier qui livre une tirade de manière très [b]dramatique[/b]. Avec les mots que j'ai mis en gras, vous commencez à comprendre où je veux en venir: les pivots dramatiques sont ici mis en scène avant tout comme du [b]théâtre[/b] filmé, et une fois qu'on a compris cette intention (qu'i n'est pas étonnante, Jack Thorne étant principalement connu pour un script de théâtre: [i]Harry Potter et l'enfant maudit[/i]), le tout passe bien mieux, surtout que les britanniques ont un certain talent pour jouer et mettre en scène des scènes extrêmement théâtrales (voir la série [i]Sherlock[/i], par exemple, de la BBC aussi), et les rendre poignantes quand on les observe sous cet angle.
Et, alors que le dialogue entre Ma et Lyra est avant tout pensé pour mettre en valeur les deux très bonnes actrices et leur potentiel dramatique, le discours final de John Faa, après le débat, est aussi particulièrement efficace par sa musicalité: la voix de l'acteur, engagée et puissante, se marie parfaitement aux pieds qui frappent en rythme contre le sol sur le magnifique thème " Strength of the Gyptians" de Lorne Balfe (on reconnaît là que le réalisateur a réalisé pas mal de clips, et sait donc bien axer une scène autour d'un motif sonore et rythmique). Et, petite parenthèse, je ne suis pas vraiment dérangé par le fait que la scène ait été écourtée par rapport au livre, parce qu'elle servait avant tout à montrer l'organisation de cette communauté, qui a ici déjà été bien développée en toile de fond des 2 premiers épisodes avec la cérémonie pour Tony et la traque pour retrouver Billy.
Enfin, j'aime particulièrement la manière de filmer l'aléthiomètre, avec une très faible profondeur de champ et un assez grand angle pour filmer Lyra, qui fait sentir qu'elle est complètement absorbée, en transe devant l'instrument, qui d'ailleurs illumine littéralement son regard par son reflet. Et les plans sur l'aléthiomètre, avec la caméra portée par l'aiguille, ces plans extrêmement rapprochés qui nous font littéralement nous promener sur l'aléthiomètre, qui est d'ailleurs magnifique, nous rendent tout aussi fascinée et absorbés que Lyra. Et puis le thème du générique joué à ce moment rajoute une dimension épique à la scène.
Voilà, il y a bien quelques autres plans isolés qui m'ont bien plu, notamment pendant que la police fouille la péniche pour trouver Lyra, mais je pense avoir dit l'essentiel sur ce qui m'avait plu et interpellé dans l'épisode.
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J'espère que mon analyse vous aura fait voir certaines scènes sous une nouvelle perspective, et, comme toujours, au plaisir d'en débattre!