par Luthien-Tinuviel » sam. 11 janv. 2020, 19:02
Oula, ça fait un bail que personne n'avait parlé BD par ici...
Je reviens pour partager un énorme coup de coeur pour les oeuvres d'Alessandro Pignocchi.
Contexte: l'auteur est avant tout ethnologue de formation. Il est parti en Amérique du Sud pour tenter d'étudier la culture jivaro, avec un succès mitigé, pour des raisons qu'il explique dans La recomposition des mondes; mais surtout, il en est revenu avec des interrogations existentielles sur l'opposition que l'on fait entre l'humain et la nature, cette opposition n'existant pas chez les Jivaros.
A la recherche de gens qui penseraient comme lui en Occident, il a atterri sur la ZAD de Notre-Dame des Landes, attiré par le slogan croisé dans les manifs "nous ne défendons pas la nature, nous sommes la nature qui se défend", et y résidait depuis quelques semaines quand a commencé l'opération militaire de destruction des habitations et d'expulsions, alors que lui-même n'avait jamais eu d'attirance particulière pour les bagarres avec les CRS et tenait fortement à ses tympans, ses voies respiratoires, les os de son crâne et ses yeux...
Au lieu d'écrire des énièmes thèses et articles que personne ne lirait, noyés dans la masse de contenus publiés tous les jours, comme il est passionné d'aquarelle, il a tiré des bandes dessinées de ses expériences. Et déjà, l'aquarelle, c'est beau. Ensuite, il a un humour autant dans les dialogues que dans le dessin assez incomparable. Et évidemment, le fond est passionnant.
J'ai lu, pour l'instant, Petit traité d'écologie sauvage, une fiction imaginant un futur proche où la culture jivaro a remplacé la culture occidentale comme modèle dominant (il y a une suite dans la même veine baptisée La cosmologie du futur). On y voit donc nos chef.fe.s d'Etat, contraint.e.s contre leur gré de garder leurs fonctions dans un monde où avoir le pouvoir est un devoir qu'on exécute à contre-coeur, annoncer que suite à référendum, l'usage des coquillages comme monnaie est abandonné et tout le monde va revenir au troc, et d'ailleurs si quelqu'un avait une stère de bois sous la main, Merkel l'échangerait volontiers contre l'esturgeon qu'elle a pêché. Et le besoin de contacts avec d'autres êtres vivants,animaux, végétaux, champignons, est de nouveau reconnu comme vital; aussi quand on souffre de dépression, au lieu de continuer à voir des psys pour parler de son rapport avec sa mère et de ses traumatismes d'enfance, personne n'envisage d'autre solution que "il faut se prendre des vacances dans un endroit où il y a encore des étourneaux", "tout ça c'est parce que je suis trop jaloux des gens qui vivent au Brésil et qui ont l'occasion de côtoyer 45 espèces de grenouille différentes."
Et comme il faut s'y attendre, la culture occidentale étant en train de disparaitre, des anthropologues jivaros viennent étudier ses derniers îlots de retranchement, et c'est savoureux.
Et La recomposition des mondes est essentiellement un témoignage du passage de l'auteur sur la ZAD, entrecoupé de quelques données de contexte biographiques, cosmologiques (c'est à dire, "quelle vision du mondes sous-tend le récit"), et de dialogues fictifs avec un CRS qui voudrait bien qu'on lui dessine une paille pour boire sa bière malgré son casque, steuplè.
Oula, ça fait un bail que personne n'avait parlé BD par ici...
Je reviens pour partager un énorme coup de coeur pour les oeuvres d'Alessandro Pignocchi.
Contexte: l'auteur est avant tout ethnologue de formation. Il est parti en Amérique du Sud pour tenter d'étudier la culture jivaro, avec un succès mitigé, pour des raisons qu'il explique dans [i]La recomposition des mondes[/i]; mais surtout, il en est revenu avec des interrogations existentielles sur l'opposition que l'on fait entre l'humain et la nature, cette opposition n'existant pas chez les Jivaros.
A la recherche de gens qui penseraient comme lui en Occident, il a atterri sur la ZAD de Notre-Dame des Landes, attiré par le slogan croisé dans les manifs "nous ne défendons pas la nature, nous sommes la nature qui se défend", et y résidait depuis quelques semaines quand a commencé l'opération militaire de destruction des habitations et d'expulsions, alors que lui-même n'avait jamais eu d'attirance particulière pour les bagarres avec les CRS et tenait fortement à ses tympans, ses voies respiratoires, les os de son crâne et ses yeux...
Au lieu d'écrire des énièmes thèses et articles que personne ne lirait, noyés dans la masse de contenus publiés tous les jours, comme il est passionné d'aquarelle, il a tiré des bandes dessinées de ses expériences. Et déjà, l'aquarelle, c'est beau. Ensuite, il a un humour autant dans les dialogues que dans le dessin assez incomparable. Et évidemment, le fond est passionnant.
J'ai lu, pour l'instant, [i]Petit traité d'écologie sauvage[/i], une fiction imaginant un futur proche où la culture jivaro a remplacé la culture occidentale comme modèle dominant (il y a une suite dans la même veine baptisée [i]La cosmologie du futur[/i]). On y voit donc nos chef.fe.s d'Etat, contraint.e.s contre leur gré de garder leurs fonctions dans un monde où avoir le pouvoir est un devoir qu'on exécute à contre-coeur, annoncer que suite à référendum, l'usage des coquillages comme monnaie est abandonné et tout le monde va revenir au troc, et d'ailleurs si quelqu'un avait une stère de bois sous la main, Merkel l'échangerait volontiers contre l'esturgeon qu'elle a pêché. Et le besoin de contacts avec d'autres êtres vivants,animaux, végétaux, champignons, est de nouveau reconnu comme vital; aussi quand on souffre de dépression, au lieu de continuer à voir des psys pour parler de son rapport avec sa mère et de ses traumatismes d'enfance, personne n'envisage d'autre solution que "il faut se prendre des vacances dans un endroit où il y a encore des étourneaux", "tout ça c'est parce que je suis trop jaloux des gens qui vivent au Brésil et qui ont l'occasion de côtoyer 45 espèces de grenouille différentes."
Et comme il faut s'y attendre, la culture occidentale étant en train de disparaitre, des anthropologues jivaros viennent étudier ses derniers îlots de retranchement, et c'est savoureux.
Et [i]La recomposition des mondes[/i] est essentiellement un témoignage du passage de l'auteur sur la ZAD, entrecoupé de quelques données de contexte biographiques, cosmologiques (c'est à dire, "quelle vision du mondes sous-tend le récit"), et de dialogues fictifs avec un CRS qui voudrait bien qu'on lui dessine une paille pour boire sa bière malgré son casque, steuplè.