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Sombres agissements le long du chemin de halage. :.
Mardi 30 Mai 2006 - 15:20:42 par Haku - Détails - article lu 3897 fois -

PHILIP PULLMAN

Sombres agissements le long du chemin de halage.
Mardi 30 Mai 2006

The Guardian

A l’Ashmolean Museum d’ Oxford se trouve un tableau de Canaletto montrant l’une de ses incomparables représentations de la vie de tous les jours, non pas sur les piazzas de Venise, mais à proximité de la ville de Dolo, sur le canal Brenta. Le soleil brille sur un groupe élégamment vêtu d’hommes et de femmes prenant l’air, sur un homme assis sur un tas de sac de céréales ou de farine, sur un homme penché au dessus d’un mur de pierre en train de pêcher, sur une femme portant un enfant, sur des vannes et une roue à aube, sur des oies picorant au sol ou courant les ailes tendues, sur une fête embarquant au loin sur un bateau amarré au rivage, sur des gondoles et autres embarcations faisant des allers et retours, sur le campanile d’une église dominant la ligne d’horizon.

Je n’ai aucune idée de ce que vaudrait cette toile si elle devait être mise aux enchères, mais cette peinture a de la valeur pour ce qu’elle est, non pas ce pour ce qu’elle vaut, mais parce qu’on en prend grand cas avec tous les soins que peuvent apporter les systèmes de sécurité et les polices d’assurance, et parce que c’est gardé et protégé par le musée et la ville où il est exposé.

A quinze minutes à pied du musée, Oxford offre une autre scène avec un canal à observer, mais une véritable cette fois-ci. Le soleil brille des arbres jusque sur un couple de personnes âgées sirotant du thé sur la proue de leur bateau attaché au rivage, sur une famille avec un chien se promenant, sur un canard et ses canetons barbotant avec entrain dans l’eau, sur un homme avec un chalumeau travaillant sur la coque d’un bateau déposé au sol, sur la porte ouverte d’une vieille forge où l’on travaille, sur la ligne proprette et colorée de fleurs en pot le long du toit d’un autre bateau sur le canal, sur une femme avec un bambin et un sac de courses discutant avec une amie, sur des outils, des planches de bois et tout l’aimable bazar du travail quotidien près du petit bateau en cale sèche, sur le campanile d’une église dominant la ligne d’horizon.

Le point de vue de Canaletto n’est pas de montrer un paysage profondément romantique ou inhabituellement pittoresque, mais de montrer la beauté et le plaisir de la vie quotidienne, avec le travail et les loisirs cohabitant l’un avec l’autre, avec des drapeaux à côté d’un chemin de terre plein de bosses, avec le joli cercle d’un parasol et un large chapeau de paille de gentleman à mettre en parallèle avec une paire d’imposantes meules à proximité, avec, adjacente au moulin, une remise à laquelle est réservée la même attention attendrie que l’élégant campanile derrière les maisons, avec les enfants, les oies, les marins, les vacanciers, les sacs, les pierres, les écluses, qui ensemble partagent de façon égale un gai rayon de soleil. Tout comme leur équivalent actuel du chantier naval de Castle Mill d’Oxford.

Je ne sais pas qui était responsable de veiller sur le canal Brenta. Mais l’institution chargée de prendre soin de la véritable vie du canal en conformité à celle qui était peinte sont les British Waterways. Et si on leur donne raison, des scènes telles que peut voir à Oxford n’importe quel promeneur le long du chemin de halage risquent bientôt de complètement disparaître. Le chantier naval de Castle Mill et sa nécessaire activité vont être supprimés et « aménagés » en un amas de maisons identiques et d’appartements qui auront exactement le même aspect que n’importe quel autre zone développée dans le pays ; un espace libre et un panorama de choix va disparaître de la ville, et les British Waterways pourront encaisser la monnaie et s’en aller détruire un peu plus loin un autre chantier naval.

Ce projet n’est pas seulement répugnant, il est stupide. Au nom de la construction de maisons pour une quarantaine de ménages, les British Waterways et leurs développeurs vont en détruire deux fois ce nombre. Car le chantier naval n’est pas uniquement une curiosité. C’est une nécessité absolue pour les gens qui vivent sur des bateaux et travaillent dans le voisinage, et ils sont en nombre considérable à Oxford et dans les environs. Les bateaux doivent être entretenus de façon spécifique, ce qui implique de les sortir de l’eau pour des réparations et pour des inspections régulières. Si le chantier de Castle Mill disparaît, l’endroit le plus proche pour effectuer ceci sera à Banbury, à trois jours de voyage d’ici.

Les propriétaires de bateaux qui dépendent du chantier pour la survie de leur mode de vie ne restent pas inactifs. Un groupe a occupé le terrain, et huit bateaux ont été sortis de l’eau et placés sur le bitume. Ce ne sera pas facile de les éviter. Il ne s’agit pas de squatteurs orchestrant un sordide tapage ou détruisant les biens d’autrui, ce sont des gens libres et sains d’esprit, et ils sont conscients de l’importance de maintenir l’endroit utilisable. Leurs maisons en dépendent. De plus, ils ont le support de la communauté du voisinage ; Jericho, comme est appelée cette partie de la ville, qui s’est construite le long du canal. Cela a toujours été une place à vivre et à travailler. Et au final, les propriétaires des bateaux ne sont pas implacablement opposés à tout aménagement : ils n’ont pas besoin de la totalité du site, et il serait envisageable de mener un plus petit aménagement immobilier parallèlement au chantier naval.

Mais les British Waterways ne veulent rien entendre. L’organisation est supposée s’occuper des canaux pour le bien de tous leurs utilisateurs, mais ils semblent ne pas s’intéresser à ceux qui vivent sur des bateaux. Ce qui les intéresse est de faire du tout un outil de détente et de vacances, car ils encaissent bien plus d’argent des activités vacancières que de n’importe quelle autre activité. Et bien sûr, ils doivent être responsables au niveau de l’équilibre financier et maximiser le plus possible les entrées de fonds ; mais le prix, le prix humain, de perdre quelque chose comme le chantier de Castle Mill ou d’autres encore à travers le pays qui réalisent ce même travail si calme et recherché, est à coup sûr trop élevé.

Je suis heureux de pouvoir aller voir le tableau de Canaletto, mais ce sera un coup bien amer si la ville dont tout dépend devait perdre une telle scène de vie à deux pas de celle qu’elle garde avec tant de soin encadrée, en peinture.

. Le chantier naval de Castle Mill est décrit par Philip Pullman dans la trilogie multi-récompensée A la
Croisée des Mondes.


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Mardi 30 Mai 2006 - 15:20:42
Haku
Source : Guardian Unlimited
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