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Philip Pullman sur sa réécriture des contes des frères Grimm :.
Lundi 26 Novembre 2012 - 20:27:32 par Haku - Détails - article lu 1459 fois -

Interview: Philip Pullman sur sa réécriture des contes des frères Grimm

20 novembre 2012
Par Monica Edinger

Philip Pullman est l’un des auteurs les plus créatifs et réfléchis de notre époque. Mieux connu pour sa brillante trilogie A la Croisée des Mondes, l’ancien enseignant de primaire est aussi de longue date un conteur et créateur de contes de fées. Si j’ai un faible pour sa version en ligne de "Mossycoat" (originellement publié comme un livre illustré) et son histoire originale J’étais un rat de par mon travail sur Cendrillon, j’ai trouvé absolument délicieux tous ses contes de fées, qu’ils soient des réécritures ou des créations originales. Aussi, quand il m’a dit il y a quelques années qu’il travaillait à une nouvelle anthologie des contes des frères Grimm je n’ai pas été surprise. Au cours de plusieurs repas magiques (j’ai l’honneur de le considérer comme un ami) nous avons beaucoup parlé de ses recherches sur ce projet et j’étais impatiente d’en lire la version finale. Fairy Tales from the Brothers Grimm est désormais en librairies et il est aussi réussi que je l’espérais. En plus je ne suis pas la seule à ressentir cela et la réception critique du monde de la littérature adulte et enfant est enthousiaste. Il y a un paquet d’interviews qui ont été publiées avec Philip au sujet de ce projet, mais j’ai pensé qu’en organiser une qui porte plus sur les jeunes lecteurs et ceux qui travaillent à leurs côtés pourrait avoir son intérêt. Philip était partant, aussi voici mes questions et ses réponses.

D’entrée, je suis intriguée du fait que le titre anglais du livre soit Grimm Tales for Young and Old alors que la version américaine se nomme Fairy Tales from the Brothers Grimm. Avant tout, pourquoi ce changement, et deuxièmement (et plus important) pouvez-vous développer l’idée que ces histoires soient pour les jeunes comme pour les moins jeunes ? Je connais au moins une personne qui les lit à ses jeunes filles et je pourrais certainement en trouver d’autres en faisant autant ou écoutant l’audiobook (dont le narrateur Samuel West a quelque chose dans la voix qui vous ressemble).
PP : Les maisons d’édition aiment mettre leur patte sur les titres. Je n’ai jamais compris pourquoi. Arthur Levine (je pense que c’est lui) a même changé le titre du premier Harry Potter pour une alternative qui n’avait aucun sens. En fait, je ne me souviens pas avoir été consulté au sujet des frères Grimm. Je dois dire que je préfère le titre anglais, mais j’ai tendance à ignorer ce genre de choses.

Vous avez toujours été un défenseur de la narration. Je me souviens de vous pressant les instituteurs tels que moi d’apprendre des histoires à raconter à nos élèves, une chose que vous étiez prompt à faire souvent. Et je me souviens également me sentir coupable de ne jamais l’avoir fait, préférant lire à haute voix. J’ai réellement senti votre plaisir à choisir, réécrire et affiner ces histoires. Pensez-vous que votre passé d’enseignant et d’enseignant pour enseignants a influencé ce travail ? Si vous enseigniez encore aujourd’hui, raconteriez-vous ou liriez vous certains de ces contes ? Ou à vos petitsz-enfants ? Certains titres en particulier ? Voyez-vous des limitations vis-à-vis de l’âge ou de tout autre chose ?
PP : Toutes sortes de choses se combinent quand on parle de lecture ou de narration. Lire impose peut-être un plus grand sentiment d’autorité – cela vient d’un livre ! Ca a été publié ! Mais peut-être que la narration a un plus grand sens de l’intimité et de l’immédiateté. Si j’étais encore enseignant je mettrais un point d’honneur à apprendre une dizaine de ces histoires suffisamment bien pour pouvoir les raconter sans le livre – probablement pas les plus épouvantables : pour ce genre de chose il faut plutôt un public assez hétéroclite de façon à ce que les enfants se blottissent dans les bras des parents. Mais face à une salle de classe je prendrais grand soin comme je le disais à les connaître suffisamment bien par de multiples répétitions en privé sans le livre pour ensuite faire de petites inventions ici et là pour leur donner vie de façon plus prenante.

Ce qui me surprend vraiment en lisant votre ouvrage est comment vous jouez dans les modifications et embellissements. Par exemple l’hilarant commentaire sur les trois petits hommes des "Trois petits hommes de la forêt" ou la manière dont la femme du "Pêcheur et sa femme" qualifie son mari de défaitiste. J’ai plus particulièrement apprécié la manière dont vous mettez la barre un cran au-dessus dans "Hans-Mon-Hérisson". Dans les frères Grimm, on lit « le roi a ordonné que si quiconque approchant portait une cornemuse ou chevauchait un coq, on lui tire dessus sans sommation, qu’on l’abatte et le poignarde pour l’empêcher d’entrer dans l’enceinte du château”. Dans votre version, on lit « Le roi a donné des ordres stricts selon lesquels, si quelqu’un approche du palace en jouant de la cornemuse et chevauchant un coquelet, on l’abatte, le poignarde, le fasse exploser, qu’on l’assume, qu’on l’étrangle – bref tout ce qu’on peut pour l’empêcher d’entrer ». Avez-vous envie de dire quelque chose au sujet de ces délicieuses retouches ? Où les avez-vous opérées et pourquoi, alors ?
PP: je suis ravi que vous les aimiez. L’une de celles que j’aime aussi est le moment où le géant dit "Yoc!" au petit tailleur en guise de bonjour, ou quand les soldats terrifiés protestent pour dire qu’ils ne peuvent pas le battre car il a tué sept personnes d’un coup et que de fait il est une arme de destruction massive. J’ai pensé que si une histoire pouvais démarrer de façon légère, alors elle pouvait tolérer un peut plus de fioriture tout autour. Dans l’histoire que j’ai nommée "Farmerkin," et dont le nom anglais est normalement "Farmer Little" se trouve un autre exemple. Mais je n’aurais pas trouvé approprié de jouer avec "Le Conte du Genévrier" par exemple, ni même avec "Hansel et Gretel". C’eut été de mauvais ton. Je ne pense pas avoir fait tout cela avec préméditation ceci dit. C’est venu à mes doigts à mesure que j’écrivais. Si le petit lutin de l’histoire se marre, je me marre aussi.

Comment avez-vous sélectionné les contes ? Je vois bien que certains sont vos petits préférés, mais d’autres sont assez étranges, pas toujours très attirants, et vous le dites vous-même dans vos annotations. Et pourtant vous les avez retenus : pourquoi ?
Le seul que je déteste cordialement est "La Jeune Fille sans main" mais je l’ai retenu car j’avais plusieurs choses à dire à son sujet. J’ai été totalement libre de choisir parmi les contes et j’en suis très reconnaissant. J’avais l’impression qu’il me fallait retenir les contes plus connu – bien qu’il y en ait moins qu’on le croit – car les gens s’attendraient à le retrouver, et qu’il aurait été déraisonné de ne pas les inclure. Je les y aurais inclus de toute façon, en fait, car je trouve intéressant d’en parler, notamment pour "La Gardeuse d’oie à la fontaine" ou car je les trouvais puissants et étranges, comme pour "Hans-mon-hérisson" ou encore car je les appréciais, à l’image de "Henri-le-paresseux" ou "La Lune".

Vos notes sont juste merveilleuses. Comme je vous l’ai déjà dit, je crois que rien n’égale vos suggestions sur ce qu’il faudrait faire du père dans Toutes-fourrures ainsi que diverses autres. Par exemple vos réflexions sur la version de Disney de Blanche-Neige, à quelle point cela a eu une influence sur toutes les autres adaptations du conte, et de façon plus savoureuse, que ses nains sont des " bambins barbus". Ou encore la manière dont vous trouvez une solution sur le nombre de fois qu’il faut couper le serpent dans "Les Trois Feuilles du serpent". Compte-tenu de la profondeur évidente de votre passé de lecteur, comment avez-vous décidé du contenu de ces notes ? Avez-vous laissé de côté quoique ce soit que vous souhaitez désormais évoquer ?
Merci. J’apprécie toujours quand les gens font l’éloge de mes notes, car elles disent des choses que je considère comme devant être dites. J’étais dès le début sûr de vouloir poursuivre chaque histoire avec quelques paragraphes (plus ou moins selon les cas) pour commenter, et je voulais que ceux-ci soient immédiatement après l’histoire, et non pas relégués à la fin du livre. Les éditeurs ont été ravis de me laisser faire – en fait ils ont très peu interféré tout au long du processus. Je ne voulais pas alourdir les notes avec des considérations érudites, car d’autres – Jack Zipes, Maria Tatar – l’ont déjà fait et bien mieux que je ne le pourrai jamais, et car mon emphase s’intéressait toujours à la façon dont l’histoire fonctionne. Je ne pense pas avoir oublié quoi que ce soit d’important, mais à mesure que je continue de réfléchir et de parler de ces histoires il pourrait me venir deux-trois choses de plus à y inclure.

Pour ceux en particulier qui travaillent avec les enfants et/ou les livres, auriez-vous quelque chose de particulier à leur dire au sujet de ces contes, des frères Grimm et de l’art narratif en général ?
PP: S’il y a une chose que je voudrais souligner aux gens les plus directement concernés par cette situation, à savoir les apprentis-enseignants (ce sont les plus importants car c’est à ce stade là que l’on prend des habitudes) c’est que dès que vous le pouvez, ne lisez pas des histoires aux enfants. Apprenez-les sérieusement en vous, et racontez les, face à face avec eux, sans livre entre vos mains. Ces contes ne sont pas de la littérature, qui est écrite, ils appartiennent à un autre registre. Je sais que c’est angoissant de poser le livre et de juste raconter, car le livre est protecteur par bien des aspects (et le non-moindre d’entre eux est que si la séance est un échec, vous pouvez le blâmer en lieu et place de vous-même). Mais cela ne demande pas un effort de mémorisation si ardu que cela de retenir une histoire comme "Le Géant et le tailleur" ou "Trois Petits Hommes de la forêt". Je ne demande pas d’apprendre chaque mot par cœur – loin de là. Je parle de retenir les évènements de façon à pouvoir les raconter de façon fluide et confiante. Si chaque jeune enseignant pouvait se donner le mal d’apprendre deux ou trois dizaines de contes de façon à pouvoir les raconter à un moment d’attention – et ils ne sont pas très grands, ils sont très fins et il y a plein de place pour eux dans votre cerveau – eh bien dès lors ils ne se sentiraient jamais perdus quand il s’agit de trouver un moyen d’occuper ces dix dernières minutes en fin de journée, ni quand il s’agit de calmer une classe divisée et surexcitée en pleine journée de pluie alors qu’on ne peut pas envoyer les enfants dehors, ou encore quand il s’agit de démarrer un nouveau projet. Et il y a plus encore, ça reste pour des années. Quand trente ou quarante ans plus tard vous rencontrez par hasard l’un des enfants que vous avez eu comme élève, ce dont ils vont se souvenir de vous est cette histoire que vous leur avez raconté ce vendredi après-midi là, sur Orphée et Eurydice, ou la gardienne d’oie, ou Hadès et Perséphone, ou Hansel et Gretel. Ils vont oublier le théorème de Pythagore, le nom des cinq premiers présidents américains ou les principales matières d’exportation du Brésil, mais l’histoire restera, et ils vous en seront reconnaissants. Rien n’a plus de valeur, de résistance au temps qui passe, et n’est autant apprécié que les histoires. Pourquoi donc quiconque ne saisirait pas dès à présent, à deux mains, l’immense privilège de raconter des histoires, alors que c’est si simple d’y arriver ?

Oh, Philip, clairement vous n'allez pas me laisser tirée d’affaire ainsi et donc je vais essayer d’aller au-delà de mon amour-propre et essayer d’apprendre certains contes à raconter à mes propres élèves. Je suis sûr que les vôtres sont un matériau parfait dans ce but. Mes remerciements les plus sincères pour avoir pris le temps de répondre à ces questions.



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Lundi 26 Novembre 2012 - 20:27:32
Haku
Source : Huffington Post
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