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Philip Pullman: Cameron et Clegg ne sont probablement jamais entrés dans une bibliothèque publique :.
Mardi 15 Mars 2011 - 23:50:08 par Jopary - Détails - article lu 1822 fois -

Philip Pullman: Cameron et Clegg ne sont probablement jamais entrés dans une bibliothèque publique

Alison Roberts
London Evening Standard, 4 mars 2011.



Philip Pullman arrive au Ashmolean Museum d’Oxford avec un sympathique béret et un pantalon de toile. À 64 ans, il ressemble un peu à son confrère auteur William Boyd, ou à une version sage et immaculée de John Bayley. Nous sommes là pour parler de la World Book Night, qui aura lieu demain – le premier évènement de ce genre, à l’initiative de l’éditeur de Canongate Jamie Byng – et où un million de livres seront donnés gratuitement par et au public au cours d’une grande célébration presque spontanée du monde littéraire.

Vingt-cinq titres vont inonder les rues, au rang desquels Les Royaumes du Nord, de Pullman, premier tome de sa trilogie de best-sellers, À la Croisée des Mondes. Il est bien sûr ravi de ce concept. Pullman est courtois et obligeant, d’apparence douce ; globalement une sorte d’activiste harangueur réticent – bien qu’occasionnellement, lorsqu’il en vient à parler de la menace planant sur près de 800 bibliothèques, il tremble de rage.

Au cours des derniers mois, Pullman est devenu un porte-parole officieux dans la campagne de sauvetage de centaines de bibliothèque en Angleterre et au Pays de Gales, menacées par des coupes budgétaires. Un impressionnant discours, donné depuis la mairie d’Oxford et dans lequel il singeait la Big Society (expression initialement utilisée par David Cameron, NdT), a récemment fait le "buzz" sur la toile. Plus de 20000 personnes l’ont téléchargé et l’auteure Joanne Harris ainsi que l’acteur Samuel West l’ont chacun tweeté en l’accompagnant de bravos.

"La décision de fermer tant de bibliothèques si vite et par tant de conseils doit être idéologique, crache-t-il. C’est un acte de stupidité vulgaire, porté par des gens qui ne lisent pas beaucoup et ne comprennent pas la valeur des livres – et la preuve pour cela est que certains conseils ont décidé de ne fermer aucune bibliothèque – mais tout cela vient en ligne droite depuis les hautes sphères, du Gouvernement central. Ça vient de gens qui ont mis une telle ferveur idéologique dans leur travail qu’ils en éclipsent Thatcher. Et je suis particulièrement en rogne contre les Lib-Dems pour soutenir cela."

Pullman n’est pas étranger au tumulte des débats publics. Aux USA, À la Croisée des Mondes a été condamné par un courant particulier de chrétiens fondamentalistes pour être antireligieux et athée (ce qu’est la trilogie) et de fait une menace pour les enfants de la nation. L’adaptation au cinéma du premier roman – sortie sous le titre de La Boussole d’Or avec Nicole Kidman et Daniel Craig – a été boycottée par la Catholic League et n’a pas rapporté d’argent aux USA. L’an dernier, Pullman est allé plus loin et a publié sa réinvention du Nouveau Testament en ôtant les miracles surnaturels dans The Good Man Jesus and the Scoundrel Christ, une édifiante expression de sa croyance en les histoires et non pas en un pouvoir supérieur, pour la base de la moralité collective. Il décrit son ennemi comme étant la "foi" – qu’elle soit religieuse, politique ou idéologique.

Et aussi les Lib-Dems. Il les hait, vraiment. Pullman a voté pour eux dans la circonscription de Oxford West car il pensait que l’élu d’alors, le député Evan Harris, avait fait un bon travail, "mais il ne m’avait pas effleuré un seul instant l’esprit que ce parti soutiendraient les Tories (conservateurs, NdT) et que mon vote irait à un gouvernement de coalition si prompt à la destruction".

Par provocation, il déclare que David Cameron, George Osborne et Nick Clegg ne sont "probablement jamais entrés dans une bibliothèque publique " de leur vie. "Ils viennent d’un milieu riche et vivent là où il y a de belles librairies et ils n’ont qu’à acheter les livres qu’ils veulent."

Inévitablement, il y a eu un clash. Certains commentateurs de centre-droite ont noté, en réponse directe à Pullman, que les bibliothèques visitées par les adultes se sont effondrées (près de 40% des adultes ont visité une bibliothèque l’an passé, contre 48% il y a quatre ans, même si parmi les enfants en école primaire, le chiffre est resté constant à 78%) et qu’elles sont moins utilisées comme un service publique par les communautés "démunies" – les personnes mêmes que Pullman identifie comme en ayant le plus besoin.

"Et c’est donc une raison pour les leur retirer ?" contre-t-il, secouant vigoureusement la tête. "C’est une raison pour les maintenir, et les rendre plus disponibles, et aider les gens à s’en servir, et les y encourager." Il parle de la mère célibataire avec enfants en bas âge qui ne peut peut-être pas payer le bus à sa progéniture jusqu’à la seule bibliothèque restant dans la ville. "C’est pour cela que les bibliothèques des quartiers enclavés doivent être préservés à tout prix." Pullman ne peut s’empêcher de sonner paternaliste quand il dit que les jeunes mères ne doivent pas seulement apprendre à chanter et lire à leurs enfants, mais aussi à "tenir leur bébé" en même temps qu’elles le font. Mais il le pense assez sincèrement.

Pullman a appris à lire à cinq ans, enfermé sur un bateau en Afrique du Sud. Son père était pilote de la RAF et sa famille suivait ses mutations tout autour du monde (jusqu’à sa mort au combat au Kenya en 1953). Sa mère lui a souvent lu les Histoires comme ça, de Rudyard Kipling, et un jour il a tenté de déchiffrer Comment le Chameau eut sa bosse seul dans sa cabine, les gribouillis devenant transparents et limpides, si bien qu’il s’est retrouvé "habité par cet espace privé qui forme une merveilleuse synergie entre le livre et le lecteur ". Plus tard, revenu à Londres, on l’a mené à la bibliothèque publique de Battersea Park Road et il est tombé amoureux des Moomins, de Tove Jansson.

Mais c’est en tant que professeur à Oxford au début des années 1970 (après son diplôme de l’université avec une médiocre mention, et quelques temps nécessaires à découvrir qu’il n’était pas le poète qu’il pensait être) que Pullman a appris à raconter des histoires. Tel un barde, il a commencé à raconter, et non pas lire, à sa classe de primaire, les mythes grecs. L’habitude est devenu un rituel, suivi encore et encore, classe après classe; il a affiné et aiguisant ses versions, apprenant ce qui déclenchait le rire, comment maintenir un suspense, et comment passer des dieux à l’Iliade puis à l’Odyssée. C’était comme un apprentissage : "Oh, c’était un immense privilège, sourit-il. J’ai appris beaucoup sur moi-même, mes forces et faiblesses."

Les jeunes garçons, dit-il, nécessitent une littérature bien particulière qui les excite. "Et ces livres s’écrivent aujourd’hui. Il ne manque pas d’histoires pour les garçons, mais il leur faut y avoir accès... et on en revient aux bibliothèques."

La manière dont Pullman le maître ès-narration le dit rend cela colossalement déprimant – et lui-même dit devenir "incohérent de rage" d’une façon incontrôlée à voir la "sous-évaluation" des livres par ce qu’il décrit comme une élite politique obsédée par l’argent et le capitalisme. Nous passons pour être dans un cercle vicieux incluant une littérature jeunesse qui s’appauvrit et une réduction de la quantité de livres de valeur.

Et là, peut-être demain soir lors de la World Book Night, un parfait inconnu apparaîtra soudain devant vous avec un livre à vous offrir entre ses mains – peut-être dans un pub, à la sortie d’une école ou dans une gare, dans une pièce d’une entreprise sociale et charitable qui définit, paradoxalement, la Big Society – et vous pourrez vous évader temporairement. Dans une très bonne lecture.



Traduit pour Cittàgazze par Haku.

Détails
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Mardi 15 Mars 2011 - 23:50:08
Jopary
Source : London Evening Standard
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