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The Good Man Jesus and The Scoundrel Christ vu par Rowan Williams :.
Mardi 13 Avril 2010 - 19:21:02 par Haku - Détails - article lu 1312 fois -

The Good Man Jesus and the Scoundrel Christ de Philip Pullman


Le Nouveau Testament est bien plus conscient du danger de l’autorité religieuse que ne l’accorde Philip Pullman, déclare Rowan Williams.

The Guardian, samedi 3 avril 2010.
Par Rowan Williams

Sur le dos de l’ouvrage, il est imprimé en larges lettres capitales « CECI EST UNE FICTION ». Il faut bien garder en mémoire ce statut catégorique tout au long de la lecture du livre. Ce n’est pas une spéculation sur les débuts du Christianisme, ou une prétention d’avoir découvert la vérité, étouffant l’histoire de Jésus. C’est une fable à travers laquelle Philip Pullman s’interroge sur Jésus, sur les tensions et les contradictions d’une religion organisée – et bien évidemment sur la nature du récit. Juste une fable. Il devrait pourtant être évident dès les premiers chapitres qu’il ne s’agit pas d’un récit historique. La préface pose que Marie a donné naissance à des jumeaux : Jésus, un captivant et généreux visionnaire, suffisamment radical pour créer la panique au sein de l’autorité politique et religieuse conventionnelles ; et « Le Christ » - un surnom pour le faible frère, hypocrite et lâche, tapis dans l’ombre de Jésus et cherchant à le convaincre d’accepter la destinée qu’il refuse.

Le surnom cache le non-dit du texte : « Le Christ » n’est qu’autre que Judas. Il est amoureux des miracles, épris du rêve d’une irréfutable autorité humaine approuvée par Dieu, aveuglé par l’illusion d’un monde à jamais protégé du doute et imprégné depuis sa naissance par la présence un peu naïve d’un Dieu qui affermit ses commandements par magie. Ce personnage de l’ombre s’empare de l’identité de Jésus, enregistrant et modifiant ses moindres faits et gestes, encouragé par un mystérieux étranger qui l’incite finalement à livrer son frère à la mort puis à mettre en scène la « résurrection » en faisant passer « Le Christ » pour Jésus ressuscité d’entre les morts. « Le Christ » est torturé par ses déformations et sa trahison, mais il cède à l’insistance de l’étranger selon laquelle il est nécessaire d’empêcher Jésus d’être oublié et de créer l’église dans laquelle l’autorité de Dieu sur les hommes et les femmes sera préservée une bonne fois pour toutes.

Il s’agit d’une fable osée et délibérément outrageuse, qui renvoie à la fureur connue et passionnée de Pullman à l’encontre des systèmes de contrôle religieux – mais qui propose aussi quelque chose de tout-à-fait différent, une authentique voix d’autorité spirituelle. C’est d’ailleurs ce qu’est indubitablement Jésus selon Pullman. Comme toujours, lorsque Pullman propose sa version d’un récit biblique connu, il réussit une parfaite restitution dans un style moderne, qui provoque un électrochoc et suscite un vif intérêt pour le texte de l’évangile en question. Voici un exemple : quand il aborde le passage où Jésus guérit un homme possédé par le démon dans la synagogue, son Jésus répond aux plaintes de l’homme perturbé par, « Tu peux être tranquille à présent. Il est parti. » - paraphrasant subtilement « Tais-toi, et sors de cet homme. » dans l’évangile. Cela donne à penser de manière éloquente à l’interprétation qu’un lecteur moderne pourrait faire de l’histoire, sans pour autant réduire l’autorité manifeste des mots de Jésus. Plus radicalement, il parvient à réécrire la parabole des Dix Vierges d’une façon qui inverse complètement le sens du texte biblique, il fait écho à d’autres paraboles de l’évangile dans leur vision fondamentale – en inversant les attentes morales dans le cadre du Royaume de Dieu.

Le récit s’avère essentiellement être du Pullman au meilleur de sa forme, limpide et économique, mis à part un ou deux passages qui semblent faciles – le récit de l’Annonciation raconté comme une manœuvre de séduction ou la machination d’une résurrection frauduleuse. Il n’y a qu’un passage où il semble casser le rythme de son récit, avec un long monologue de Jésus dans le Jardin de Gethsémani la nuit de son arrestation. La foi de Jésus s’avère être maintenant au bord de l’agonie. Il se résigne à ne plus rien attendre des cieux. Ce regard tourné vers Dieu, en l’absence complète de la moindre manifestation divine définissable, n’est pas crédible. Nous pouvons regarder en arrière avec nostalgie un monde dans lequel ce fut autrefois possible ou naturel; mais nous devons le laisser tourner, sous peine d’être malhonnête.

C’est essentiellement la vision de Mary Malone dans le troisième volume d’À la Croisée des Mondes. Ici et là, c’est exprimé avec un réel pouvoir émotionnel. Mais il y a quelques problèmes. Le premier est que tout simplement rien dans le récit ne nous y avait préparés ; le Jésus des chapitres précédents a une foi solide en l’amour inconditionnel de Dieu en tant que pilier du pardon, de la confiance gratuite, et de l’opposition de principe à la tyrannie religieuse absurde. Comparé à la magie, et à la divinité avide de pouvoir du « Christ », c’est une vision libératrice du divin. Et brusquement, tout semble s’effondrer parce qu’il n’y a aucun signe décisif provenant des cieux ; et rien dans l’histoire ne nous permet de voir comment cela se passe.

Pour un croyant, le problème est plus profond. Dans les évangiles, oui, Jésus agonise à Gethsémani et n’obtient pas de réponse. Mais il accepte - pour ainsi dire – qu’il a pris la responsabilité de fournir une réponse par sa vie et sa mort, d’une façon cohérente avec son affirmation tout au long de l’évangile de prendre la parole au nom de l’autorité libératrice de Dieu dans un monde religieux et social paralysé. Donc lorsqu’il pousse son cri d’agonie vers Dieu depuis la croix « Pourquoi m’as-tu abandonné ? », c’est le résultat de sa décision d’être – par sa propre personne – la ‘réponse’ de Dieu. Aucun réconfort ne pouvait lui parvenir de l’extérieur.

Il y a une ligne très claire dans la Bible sur la confiance révolutionnaire de Jésus annonçant le pardon de Dieu, par le biais de la terrible issue à Gethsémani et de ses conséquences sur la croix. D’un point de vue purement textuel, je pense qu’il est plus logique que la brusque perte de foi de Jésus chez Pullman. Maintenant, Pullman rejetterait un tel passage, parce qu’il prétend que l’absence de réponse de Dieu ne prouve rien. Le Jésus de Pullman est virulent à l’encontre des « prêtres prétentieux » qui disent que l’absence de Dieu révèle en fait sa présence. Eh bien, oui : les chrétiens emploient ce genre de langage. Mais il ne s’agit pas de s’en tirer à bon compte; ils avancent que vous n’approcherez de la vérité qu’une fois que toutes les choses faciles à dire sur Dieu seront démantelées – de sorte que votre image de Dieu ne soit plus une projection sur grand écran d’accomplissements de vos caprices et de vos désirs égocentriques.

Que reste-t-il alors ? C’est un moment délicat. Soit vous avez le sentiment d’être face à une énergie si grande et inconditionnelle qu’il n’existe pas de mots adéquats pour la qualifier ; ou bien vous laissez tomber. De Paul à Luther, George Herbert ou Dietrich Bonhoeffer dans les prisons d’Hitler, il y en a beaucoup qui n’ont pas abandonné, parce qu’ils abordaient leur expérience à la lumière de quelque chose comme cette acceptation à Gethsémani et lors de la crucifixion.

Cela mis à part, Pullman laisse aux lecteurs chrétiens un sérieux paradoxe à résoudre, et il n’a pas – à son mérite – suggéré que les arguments n’étaient pas importants. Le sinistre étranger du livre – qui incarne tous les décideurs philosophiques du système qui veulent enrober l’histoire en introduisant des vérités éternelles au détriment de la simple vérité – insiste auprès du « Christ » sur le fait que le message de Jésus ne peut survivre que s’il est enrobé dans le langage du miracle et du pouvoir. C’est très proche de l’argument que nous retrouvons dans la bouche du Grand Inquisiteur de Dostoïevski – selon lequel Jésus était trop radical pour l’humain ordinaire, et que pour que sa mémoire survive malgré tout, vous devrez mentir sur lui. Mais ce que Pullman n’accorde pas pleinement, je pense, c’est le degré auquel le Nouveau Testament lui-même est déjà conscient des dangers. L’évangile selon Saint Marc, en particulier, dépeint un Jésus qui refuse fermement d’utiliser ses propres miracles pour prouver son statut, et une compagnie de disciples qui sont constamment incapables de comprendre les défis de Jésus. Il semble concéder l’ironie selon laquelle plus vous en dites à propos de Jésus, plus vous risquez de commettre une erreur.

Et à travers des siècles de chrétienté, ces tensions irrésolues et ces ironies délibérées présentes dans la Bible sont allées inciter les gens à résister à l’attrait du « Christ » de Pullman et de son inquiétante religiosité – un Saint François d’Assise, un Bonhoeffer ; un Oscar Romero, assassiné il y a eu 30 ans la semaine dernière pour sa résistance à l’État de terreur au Salvador. Ils ont pu voir à travers l’écume de la religion et ils ont entendu la voix que Pullman lui-même trouve manifestement si fascinante. Ça devrait nous faire réfléchir avant de remarquer que le Nouveau Testament a tout aussi bien réussi à aseptiser une histoire mal à l’aise avec la convenable « vérité » religieuse que Pullman implique. Il est conscient de ses propres tentations. Il pousse ses lecteurs à l’auto-questionnement.

Pas toujours, Dieu le sait, compte tenu des antécédents de l’église. Mais assez souvent pour dire que les évangiles sont encore des textes pleins de ressources, encore plus que le récit perspicace, taquin et ambitieux que Pullman nous a livré.

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Rowan Williams est l’archevêque de Canterbury. Son ouvrage Dostoevsky: Language, Faith and Fiction est disponible chez Continuum.

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Traduit pour Cittàgazze par Soldat Bleu


Détails
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Mardi 13 Avril 2010 - 19:21:02
Haku
Source : The Guardian
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