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Philip Pullman réinvente courageusement les Évangiles :.
11 Avril 2010 - 23:21:21 par Haku - Détails - article lu 1758 fois -

Philip Pullman réinvente courageusement les Évangiles



A la Croisée des Mondes avait fait enrager l’Eglise Catholique qui l’avait qualifiée de blasphématoire. Son auteur risque aujourd’hui un courroux encore plus grand.

The Times, 3 avril 2010
Erica Wagner


A deux jours du Vendredi Saint, j’ai rencontré Philip Pullman à Londres pour parler de son nouveau livre, The Good Man Jesus and the Scoundrel Christ. Il n’y a pas trace des mesures de sécurité renforcée qui lui auraient été appliquées lorsqu’il a parlé le week-end passé au festival littéraire d’Oxford, à moins que l’on considère Helen, sa charmante attachée de presse, comme garde du corps. Mais il est clair que Pullman — comme toujours — dit ce qu’il pense. Je lui ai demandé ce qu’il croyais que le Jésus qu’il a créé penserait du Pape qui, dans son sermon du dimanche des Rameaux, courbant le dos devant le scandale des prêtres pédophiles, a déclaré qu’il ne serait pas “intimidé par des… rumeurs insignifiantes ”.

Pullman ne tique pas. “Eh bien, il aurait eu une formule pour cela. Il avait une formule pour tout. C’est dans la Bible du Roi Jacques, et la formule est sépulcres blanchis. Des tombes peintes. Belles et propres, mais pleines de corruption, de moisissure et de poussière à l’intérieur. C’est ce qu’aurait dit dit Jésus. Sans aucun doute”.

Dix ans ont passé depuis la parution du Miroir d’Ambre, le dernier volet de la trilogie A la Croisée des Mondes, que The Catholic Herald a qualifié de “truc cauchemardesque”. Aujourd’hui, Pullman — avec son premier livre clairement destine aux adultes — a remis le couvert avec le texte fondateur de la culture occidentale, passant de l’Ancien au Nouveau Testament. Dans ce livre, intégré à l’énergisante série des mythes, chez Canongate, l’écrivain a décidé d’explorer comment l’histoire d’un professeur et prêcheur passionné, Jésus de Galilée, a été déformée, traduite en celle du Fils de Dieu sur Terre, mort et ressuscité. Comme on l’a déjà dit, la plus grande histoire jamais contée — ou du moins l’une des plus grandes — et c’est peu surprenant que Pullman, dont la vraie passion est de raconteur des histoires (la nécessité de conter une histoire est “au-delà de la moralité, au-delà de la raison ”, me dit-il) veuille se l’approprier.

Si vous le souhaitez voir défendre son droit à ce faire, vous pouvez le faire en ligne : une vidéo le montrant défendre le droit de libre expression a fait un carton, réunissant plus de 35.000 clics en deux jours (youtube.com/canongatebooks).

“Plus je réfléchis à Jésus Christ” — il fait une pause entre les deux mots, avec précaution — “plus je vois les deux parties de Son nom comme maintenues ensemble et plus proche de deux parties d’un atome qui veut se dissocier. Elles ne vont pas forcément ensemble. Dans les Evangiles, on se réfère à Lui par le nom Jésus; et dans les Épîtres de Paul vous trouverez le mot ‘Christ’ cinq fois plus que le mot ‘Jésus’. Il y a donc deux conceptions du personnage. Pour Paul, qui écrivait avant les Évangiles, l’important est le Christ qui s’élève, le fait qu’Il était le Fils de Dieu et qu’il vous fallait Le croire si vous vouliez être sauvé. Pour les auteurs des Évangiles, qui qu’ils aient été, Jésus en tant qu’homme était le plus important. Certains ne réfèrent pas même à lui en tant que Dieu particulièrement. Il y a donc déjà une différence à ce niveau, et je voyais cette idée pétillante grandir dans mon esprit... et ainsi j’ai pensé, pourquoi ne pas en faire une histoire ? Les séparer, en faire deux frères ? Dès lors, l’histoire s’était presque créée d’elle-même”.

Le livre rend quelconque le miraculeux ; la magie est présentée comme ayant des origines très ordinaires. Dans le livre de Pullman, Jésus le provocateur, le révolutionnaire ; Christ, son frère, rode dans son sillage, posant sur le papier ses actions, qu’il arrondira par la suite — lui donner plus de mordant, pourrait-on dire — pour en faire les histoires au travers desquelles son jumeau sera connu par la suite, et à partir desquelles seront bâties les bases de l’Église. Il agit sur la requête d’un “inconnu”, jamais nommé, qui travaille pour Paul dans le livre. “Quand Christ en entend parler” — de l’histoire de Mary et Marthe, modifiée par Pullman pour que la première aille aider la seconde — “il savait que ce serait l’un de ces sauvetages de Jésus qui seraient meilleurs réels qu’en tant qu’histoires,” écrit Pullman. L’auteur lui-même commente le texte pour moi : “La vérité, bien sûr, signifiant le mensonge”.

Ainsi, Christ construit l’édifice sur lequel la Chrétienté organisée sera construite ; Jésus méprise l’idée d’une Église hiérarchisée. C’est cela, la structure qui entoure la foi chrétienne, plus que la foi elle-même, qui a toujours éveillée la colère de Pullman. “Toute institution a ses dangers,” dit-il. “Toute institution qui repose sur une autorité suprême qui ne peut être remise en cause, comme l’Église — dont les leader disent ‘C’est ce que Dieu m’a dit de faire, et vous allez le faire parce que je vous dis de le faire’. Toujours, sans exception, ça tourne mal. Il y a toujours de la corruption. Son propre pouvoir l’empoisonne. Au final, la vision qui l’a fondé n’est plus portée et au contraire est même trahie. Toujours.”

Pullman vit à Oxford, un lieu auquel il est tout acquis ; quand il n’écrit pas, il se plaît à exercer la même activité que son protagoniste : il est un charpentier talentueux. Il a été éduqué dans la fois chrétienne ; son grand-père était pasteur et de son propre aveu, il était lui-même un “enfant pieux”. “Mon grand-père m’avait dit que ces choses étaient vraies; tout le monde me disait également qu’elles l’étaient. La supposition première du monde dans lequel je vivait était que l’Église savait tout ; que Dieu vivait dans le ciel, que Jésus était né à Noël, alors qu’il neigeait. Car ils m’ont parlé d’autres choses qui par la suite se sont révélées vraies, je ne voyais aucune raison de ne pas les croire quand on en venait à ce sujet. Ce que vous ne faites pas dans votre enfance, je pense, c’est lire les Évangiles du début à la fin avec un regard critique et curieux. Du coup vous ne faites que rater ce qui s’y trouve : ils sont plein de contradictions et d’incohérences. Et c’est très intéressant. Comment peut-on donc y croire ? Et prendre ça au pied de la lettre ? C’est ce que je ne comprends pas”.

Il est, il le dit sans réticence, un athée désormais. “Je ne vois nulle part de preuve de l’existence de Dieu”. Croit-il alors, tout comme Richard Dawkins, qu’inculquer la religion aux enfants est purement et simplement mauvais ? “Non”, répondit-il après une pause. Il est très prudent avec ceux mots, et je ne suis pas surprise ; il s’est habitué à progresser en terrain hostile. “Je ne soutiens pas Dawkins à ce niveau. Il ignore le fait que les gens sont toujours un peu sceptique, un peu paresseux, un peu dubitatifs ; et les enfants en particulier sont grandement aidées en croyant à des histoires qui les confortent quand ils ont peur ou qu’ils sont inquiets. Je pense que ce n’est pas bon de leur dénigrer le droit au confort qui vient de l’histoire. Quand ils grandissent, qu’ils atteignent la puberté, ils deviennent curieux intellectuellement et sceptiques — et c’est dans l’ordre normal des choses. Je pense que Richard Dawkins sous-estime le pouvoir de la progression naturelle”.

En parlant avec Pullman, vous avez l’impression de ne pas être vraiment certains des raisons de tout ce remue-ménage. S’il est remonté contre quelque chose, c’est contre la tendance des gens à croire qu’il ne sait que tirer sur Dieu. Il fait remarquer à juste titre que depuis dix ans que Le Miroir d’Ambre est sorti, il a écrit sur un tas d’autres choses, et s’est impliqué politiquement pour l’éducation, l’environnement, l’urbanisme et les droits civiques. Et pourtant, dis-je, cette histoire — ce jeu d’histoires — semble l’avoir remué, l’avoir mis hors de lui. “J’y accorde beaucoup d’importance reconnaît-il, mais cela ne suffit pas pour que je raconte une histoire ; je raconte une histoire parce que cela engage mon imagination, non ma colère. Raconter une histoire pour calmer votre colère est une mauvaise stratégie. Sortir et frapper quelqu’un est certainement plus simple. Mais quand mon imagination est impliquée, je raconte une histoire. Mon imagination est titillée par l’histoire qui ouvre l’Ancien Testament dans A la Croisée des Mondes; mon imagination est impliquée par les histoires sur Jésus dans ce livre. Non pas par la colère. Non pas par des principes. Non pas par activisme politique ou civique. Ce sont des choses différentes,” insiste-t-il.

Le livre a été inspiré, en partie, par une conversation que Pullman avait eu en public avec l’Archevêque de Canterbury, Rowan Williams, qui se demandait pourquoi Pullman ne s’était pas “occupé” de Jésus. C’est au crédit de la chrétienté, dis-je, qu’il vous encourage sur cette voie ; c’est difficile de s’imaginer un tel discours autour de l’Islam.
“Oui, répond Pullman. Je suppose que c’est vrai. Je n’en sais pas assez sur l’Islam pour parler de la foi musulmane. Mais il semble que les Musulmans aient une vision différente de leur livre saint de celle que les Chrétiens ont. Tout Chrétien qui lie la Bible sait qu’elle a été écrite par différentes mains : la main qui a écrit le Chant de Salomon n’est pas celle qui a écrit le Livre de Job, qui n’est non plus pas celle qui a écrit l’Épître de Jacques. Mais selon l’histoire telle que je la comprends, le Coran est la parole non déformée de Dieu lui-même, transmise par l’ange à Mahomet — c’est exactement ce que Dieu a dis et, de plus, il parlait en Arabe. Cela implique déjà une relation différente au texte, si vous le croyez. Mais c’est tout ce que j’en sais, vraiment. Je ne peux aller au-delà de ça.”

Il est fascinant de s’asseoir pour parler avec Pullman ; et ce à chaque fois. Plus fascinant encore que le livre, le cas présent, qui de mon point de vue est tué par la fadeur de son langage. Le langage de la version du Roi Jacques est adorable ; c’est nu et sans fioriture. C’était un choix conscient : “Je fais un tas de choses à l’encontre des romans dans ce livre, il n’y a pas de paysage, pas de mise en scène, pas de description — il y a fort peu de psychologie,” dit-il tout de go. Je réponds que je ne peux trouver cela que regrettable. Il est un merveilleux auteur descriptif ; on ne pourrait jamais le croire en se basant sur ce livre. Pullman reste sur la défensive ; c’est de cette façon que le livre devait être. “Si vous imaginez un chapitre démarrant avec ‘Le soleil brillait sur la mer de Galilée quand Jésus sortit de la petite maison ; il regarda autour et vit…’ Comment dire, ce n’est pas le genre de chose que l’on cherche dans cette histoire. Il y a des cas où on a besoin de paysages et de description du temps qu’il fait, et il y en a d’autres où c’est encombrant. De plus, je m’intéresse de plus en plus à une narration très simple et nue, comme on trouve dans les contes populaires ou les balades écossaises. Je m’en délecte. L’histoire démarre si soudainement. Elles vont dissent qui est là, elles vont dissent ce qu’ils font ; et c’est tout.”

J’aime autant les balades écossaises que quiconque — nous nous posons un moment pour échanger quelques extraits de The Famous Flower of Serving Men et de Sir Patrick Spens — mais je me dois de dire que cet effet qu’il recherche ne sert pas forcément l’histoire. Ceci me trouble : la crédulité des deux Marie — la mère de Jésus, qui se fait avoir comme une bleue par un jeune du coin, peu importe une conception virginale, et Madeleine, trompée par Christ en pensant que c’était Jésus — cela m’ennuie également. “Il y a nombre de femmes crédules dans le monde” répond Pullman, avec un air de défi. Je pense que c’est vrai. Il continue et remarque que ce qui s’est passé devant la tombe vide ne sera jamais connu. Les contradictions dans l’histoire sont ce qui l’ont fait perdurer. “Si les Évangiles n’avaient eu qu’une seule histoire et que vous aviez eu Jésus qui se réveillait, qui retirait ses bandages et s’en allait en marchant, ç’aurait été ridicule. C’aurait été comme un monstre de Frankenstein ou comme Benny Hill. La puissance de la narration réside dans sa confusion et sa contraction. Il est donc un peu dure de qualifier ma Marie de naïve ou crédule quand la Bible s’en est déjà chargé.”

Pullman est un homme brillant ; un conteur fascinant, qui a réponse à tout. Il aime ces joutes, et reconnaît qu’il pourrait y perdre encore plus de son temps — au lieu de cela, il devrait faire sa suite à A la Croisée des Mondes, The Book of Dust et travailler le script qu’il écrit à partir de John Blake, l’histoire illustrée qu’il avait écrite pour The DFC, le comic mort prématurément produit par David Fickling, son éditeur de toujours. Pullman est invite dans des festival littéraires tout autour de monde, mais décline la plupart d’entre eux ces derniers temps. “C’est tentant de se faire de l’argent en disant aux gens ce que vous pensez, et si vous ne pensez rien, c’est encore tentant. Mais la tentation est là pour qu’on y résiste, non ? Et qu’ai-je envie de faire de mon temps ? Etre payé à faire des discours ou écrire des livres ? Je veux écrire des livres”.


Détails
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11 Avril 2010 - 23:21:21
Haku
Source : Times Online
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