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Maître conteur, athée mal à l’aise :.
Samedi 10 Avril 2010 - 19:32:43 par Haku - Détails - article lu 1981 fois -

Maître conteur, athée mal à l’aise


IRISH TIMES, 10 avril 2010
Par Fiona McCann


Dans la plupart de ses livres, Philip Pullman aborde des thèmes religieux, mais dans son dernier, dans lequel il retrace la vie de Jésus, est une critique plus ouverte de la religion organisée, explique-t-il à Fiona McCann.



PHILIP PULLMAN ouvre la porte de son ancienne ferme de village de l’Oxfordshire, portant sur le dos un cardigan beige et des lunettes sans monture. M’escortant à l’intérieur avec une attention avunculaire, il m’offre une tasse de thé et ensuite une assiette de biscuits alors que nous nous installons devant une cheminée de pierres blanches, au-dessus de laquelle est pendu un didgeridoo. Une paire de vieux chiens ridés se flaire affectueusement à ses pieds. Ainsi donc c’est lui cet homme “mauvais” en bonne voie pour l’enfer, si l’on en croit les détracteurs offensés par son dernier livre, The Good Man Jesus and the Scoundrel Christ. Qui aurait pu croire que le Malin serait venu habillé d’un cardigan? Pourtant, Pullman, qui est plus connu pour sa trilogie de littérature jeunesse A la Croisée des Mondes, n’a aucune excuse à fournir pour son dernier livre, et ce malgré les lettres qu’il a reçues et qui dénonçaient celui-ci.

“Il s’agit de ma religion, j’ai été élevé avec elle. Je connais très bien ces histoires, je vivais au milieu d’elles étant enfant. J’ai entièrement le droit d’écrire cette histoire car elle m’appartient autant qu’elle appartient au Pape”.

Dans sa réécriture, Jésus est né accompagné d’un frère jumeau, le calme et moins charismatique Christ, qui vit dans l’ombre de son visionnaire et radical jumeau jusqu’à ce qu’il soit impliqué dans un complot visant à destituer Jésus. “Je considérais le nom de Jésus Christ et me demandais ce qu’il signifiait ? Deux idées très différentes sont regroupées ensemble dans ce nom, et je voulais les séparer et voir ce qu’il se passerait si on mettait en scène la différence entre elles. Si vous vous référez au Nouveau Testament, comme je l’ai fait d’assez prêt en préparant ce livre, j’ai trouvé intéressant de voir que l’homme est nommé Jésus dans les évangiles, mais qu’il est nommé Christ dans la quasi-totalité des Épîtres de St Paul. Il y a un avant et un après”.

Bien qu’il n’y ait aucun doute, les mots “ceci est une histoire” sont blasonnés dans la couverture du livre. Cela dit, quelle proportion du contenu de ce livre représente les croyances d’un home autrefois décrit par le magazine New Yorker comme l’un des athées les plus clairement identifiés d’Angleterre ? “(Avec le titre) je joue cartes sur table”. Dans son explication de la différence entre un Jésus prompt à créer un monde meilleur et un Christ inquiet que l’héritage de son frère ne soit pas compris par les foules à moins qu’il ne soit mis en forme, Pullman est explicite quant à ses préférences. “Le rôle du Christ dans le livre est assez crapuleux.” Ceci dit, si Christ est un vaurien, c’est aussi un conteur, astreint de rapporter non pas ce qui s’est réellement passé dans la vie de son frère, mais ce qu’il croit qu’il aurait dû se produire.

C’est quand on en vient au sujet d’une vérité “supérieure” que l’oncle débonnaire disparaît pour laisser apparaître la rage de Pullman. “Quand quiconque vous dit que ce que vous savez n’est pas vrai parce qu’il y a une vérité supérieure, ils mentent”. Les sentiments de Pullman au sujet de la religion organisée ont déjà été exprimés, et bien qu’il ait été éduqué dans les enseignements de l’Église d’Angleterre, il a déjà dit en public qu’il ne croyait plus en Dieu. A-t-il ainsi quitté l’église de sa jeunesse ? “J’ai été baptisé, j’ai passé ma communion, j’ai été pieux dans ma jeunesse. Mais cela ne fonctionne plus avec moi,” dit-il, bien qu’il ait été surpris d’entendre que des milliers d’Irlandais ont utilisé des sites web tels que countmeout.ie pour quitter l’Eglise catholique. “On peut le faire volontairement ? Je ne savais pas cela. Je pensais qu’il fallait faire quelque chose d’hérétique et que vous étiez répudié”. Quant à l’Eglise d’Angleterre, il dit que “vous cessez d’y aller et ils vous oublient. C’est très simple”.

Il ne pousse cependant pas jusqu’à la rejeter. “Je n’y crois plus. Je ne l’ai pas rejetée parce que je suis toujours ouvert aux histoires, je réponds toujours émotionnellement et imaginairement aux mythes”. Et il lutte toujours avec les thèmes religieux dans la plupart de ses livres.

A la Croisée des Mondes est l’Ancien Testament, si vous voulez, qui sort directement de la Genèse,” dit-il, dessinant une ligne distincte entre sa trilogie et son dernier ouvrage. “Ceci est mon Nouveau Testament”. En tant qu’histoire directement tirée de la Genèse, où les femmes sont les premières à tomber en disgrâce biblique, le choix d’une héroïne pour l’héroïne d’A la Croisée des Mondes semble indiqué. “Je ne l’ai pas créée femme,” rectifie simplement Pullman. “Elle m’est venue ainsi. Je ne peux pas changer (les personnages). Je ne peux pas dire ‘Maintenant, il me faut un personnage féminin déterminé, donc je vais la faire de cette manière’. Ce n’est pas comme cela que les personnages viennent à moi. Ils viennent à moi entiers et complets et j’apprends à la connaître comme une vraie personne”.

Malgré ses inclinaisons pour la logique, la description du processus créatif de Pullman n’est pas sans magie. “Une réponse désinvolte que j’ai souvent tendance à donner, quand les gens me demandent d’où je tire mes idées, est de répondre que je ne sais pas d’où elles viennent mais que je sais où elles vont. Elles vont à mon bureau, et si je n’y suis pas, elles continuent leur chemin ailleurs. Je m’assois donc à mon bureau en étant prêt à être très occupé et pour m’enquiquiner pendant très longtemps”.

Son enquiquinement a donné naissance à plus de vingt livres, bien qu’il soit surtout connu pour A la Croisée des Mondes, dont le succès, bien que bienvenu, a eu ses désavantages. “Cela n’a pas affecté la façon dont j’écrivais, ou mon état d’esprit quand je m’assois pour écrire, ou mon besoin d’écrire, ou aucune de ces choses : tout ce que ça a fait est de me prendre du temps. Je prends désormais deux jours par semaine pour répondre aux lettres et dans la plupart je me contente de dire ‘Non, je ne peux pas’”. Derrière nous se trouve une table où s’éparpillent des documents, avec une pile de cartes prêtes pour recevoir des refus polis de la part de Pullman, simple témoin de cet aspect des choses.

Cependant, Pullman trouve le temps d’écrire – il écrit pour l’heure une suite à A la Croisée des Mondes nommée The Book of Dust – peut-être parce qu’il a toujours su que c’est ce qu’il ferait. “Il n’y a jamais eu le moindre doute dans mon esprit, aussi loin que je me souvienne de l’existence des livres et de celle des auteurs qui les écrivent. C’est ce que je voulais faire”. Il n’avait par contre pas prévu de devenir auteur de littérature jeunesse. Néanmoins, des années d’enseignement en école lui ont appris à s’adresser à un jeune public. “J’ai appris ce à quoi j’étais doué, comment rythmer une histoire pour qu’ils l’écoutent et pour en arriver au moment de suspense juste quand la cloche sonnait, et j’ai appris ce que je ne pouvais pas faire. Dès lors que j’essayais d’intégrer des éléments comiques, ça ne fonctionnait plus. Je ne sais pas raconter d’histoires drôles, mais je sais faire des histoires excitants et qui donnent envie de savoir ce qui va se passer”. En tant qu’enseignant, il mettait en scène des pièces de théâtre avec ses élèves en fin d’année, une époque qu’il se remémore avec plaisir et avec une certaine nostalgie quant aux programmes stricts et au politiquement correct qui entravent les professeurs aujourd’hui.

Certaines de ces pièces sont devenus ses premiers livres, à l’image du Comte Karlstein et de La Malédiction du Rubis, premier tome de la série des Sally Lockhart. Depuis, il y en a eu bien plus, et bien qu’il soit réticent à choisir un favori, il dira que ses “livres préférés sont les contes de fée, La Magie de Lila, La Mécanique du Diable, J’étais un Rat et L’Épouvantail et son Valet. Je pense que ce sont mes meilleurs livres. Ils sont simples et directs, fidèles à ce que je voulais en faire, ce qui est le plus difficile”.

La fin de l’entretien approchant, je demande à voir là où les idées viennent, mais le bureau de Pullman est interdit d’accès. Par contre, il me montre la pièce où il écrivait autrefois – jusqu’à ce que ses outils débarquent, dit-il. Il ouvre une porte donnant sur une pièce que je m’attendais à voir à moitié remplie de ses personnages. Au lieu de cela, elle a été colonisée par des livres. Ils s’accrochent aux murs, et s’entassent en des piles à l’équilibre précaire à même le sol, partageant l’espace avec un assortiment d’outils, plusieurs guitares et un magnifique cheval à bascule en bois Les outils, m’explique-t-il, ont servi à fabriquer le cheval, qu’il a fabriqué à base de frêne et de peuplier. Il laisse traîner un œil noir pétillant sur moi, comme pour me rappeler que la créativité de Pullman s’étend bien au-delà de la page écrite.

Auteur de chansons, professeur, guitariste, charpentier, mari, père, un des plus grands auteurs britanniques vivants, et le démon incarné : Pullman est un homme polyvalent. Pourtant de ses propres mots, scoundrel or not, il est un conteur.

“Je me vois toujours comme un conteur sur la place du marché. Quiconque souhaite s’arrêter et écouter une histoire est bienvenu, peu importe son âge, qu’il s’agisse d’un home ou d’une femme, qu'il soit Blanc ou Noir, que ce soit un être humain ou un animal. Si les chiens s’arrêtent pour m’écouter, ils sont les bienvenus”.


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The Good Man Jesus and the Scoundrel Christ est publié chez Canongate .
Philip Pullman discutera avec Fintan O’Toole au Edmund Burke Theatre du Trinity College de Dublin le 17 avril, dans le cadre du Dublin Writers’ Festival.

Détails
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Samedi 10 Avril 2010 - 19:32:43
Haku
Source : Irish Times
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