Philip Pullman crée un Christ plus sombre dans sa nouvelle attaque contre l’Eglise

L’auteur donne à Jésus un frère jumeau manipulateur dans son nouveau livre s’en prenant directement aux Evangiles.
Par Charlotte Higgins
The Guardian, Vendredi 26 mars 2010 18.21 GMT





Dans la trilogie de best-sellers A la Croisée des Mondes, l’auteur Philip Pullman décrivait l’Eglise comme une bureaucratie meurtrière et corrompue, et Dieu comme sénile, frêle et impotent. Et malgré les condamnations de la droite catholique, Pullman s’en prend désormais directement aux Évangiles. Dans son nouveau récit, il écrit que Jésus avait un frère jumeau manipulateur, Christ, qui le tentait quand ils étaient seuls et qui l’a trahi aux autorités.

Se servant des quatre Évangiles à leur base, The Good Man Jesus and the Scoundrel Christ, qui sera publié mercredi, la jeune et naïve Marie donne naissance à deux jumeaux après la visite d’un mystérieux étranger qui se prétend être un ange. Les bambins grandissent et deviennent le robuste, direct et franc Jésus ainsi que le littéraire, calculateur et moralement torturé Christ.

A l'apogée de l’histoire, Jésus condamne l’idée d’une église, déclarant que ceci ferait “se frotter les mains de joie” au diable, et prédisant que ceci “de temps à autre, pour distraire les gens de leurs misères, les dirigeants de cette Église déclareraient que telle ou telle nation ou telle et telle personne sont diaboliques et doivent être détruits, et qu’ils élèveraient leur pouvoir sur les ruines de ce qui avait été autrefois un pays égalitaire et prospère pour déclarer que le royaume de Dieu est bien plus grand et magnifique en conséquence".

"Il parle réellement en mon nom dans ce passage" reconnaît Pullman. "Bien sûr, je ne condamne pas la pensée spéculative, ni le fait d’encadrer les gens pour les aider à bien faire, ni même monter des hôpitaux, offrir l’hospitalité aux voyageurs inconnus ou éduquer les gens. Mais nous avons vu très récemment comment certains aspects de tout cela peuvent mal tourner. Les gens peuvent abuser de leur pouvoir. La plus grande excuse dans le monde est celle qui consiste à dire que 'Dieu m’a dit de le faire': ceci a mené aux Croisades. Dès lors qu’on se réfère à une autorité qui ne peut être remise en cause, on fait quelque chose de dangereux".

Les vues directes de Pullman sur la religion lui ont valu des ennemis. Il a déjà reçu "quelques dizaines de lettres" dénonçant son nouveau livre avant même sa publication, explique-t-il. "Ils sont inquiets pour moi, ils ne veulent pas que j’aille en Enfer. C’est gentil de leur part, mais je vais les ignorer".
Dans l’œuvre de Pullman, Jésus est un orateur charismatique et honnête, qui pense que le royaume de Dieu est imminent. Christ, au contraire, envisage la postérité, le besoin d’une église organisée et les besoins de l’histoire. "Il sait que les êtres humains, tells qu’ils sont, ont besoin de structure et tombent dans la bureaucratie. Il sait que le royaume ne viendrait jamais", précise Pullman.

Par certains aspects, le personnage de Christ remplace l’idée de l’auteur – un personnage ambigu sur la touche, qui rend compte des évènements les structures et les modifie dans ses récits : "C’est un récit parlant de comment les histoires deviennent histoires" selon Pullman.

Le livre renferme des versions manipulées d’épisodes familiers des Évangiles, notamment la vierge sage et la vierge folle. Pullman pense que "(sa) version est bien plus proche de ce que Jésus aurait dit. La version des Évangiles est très différente de ce qu’il dit habituellement".

Le récit est publié par l’éditeur base à Edimbourg, Canongate, dans le cadre de la série des Mythes, dans laquelle des auteurs tells que Ali Smith, Salley Vickers et Margaret Atwood ont proposé des versions remaniées de célèbres légendes. Ayant appris les Évangiles dans son enfance, Pullman a dit qu’il avait décidé de "se remémorer à quoi ils ressemblaient. Je les ai donc lu dans la Bible du Roi Jacques, dans celle en anglais moderne et dans la Bible Réformée: ce sont également de très curieux documents. Ce ne sont pas comme de romans, ou des contes de fées, de l’histoire ou des bibliographies. Jésus était un personnage étrange : un home dont la famille pensait qu’il était plus qu’un homme. J’ai également lu les Actes des Apôtres et les Épîtres, et j’ai été intrigue de voir à quel point Paul été préoccupé par le Christ plutôt que Jésus. J’ai trouvé ceci intéressant, et j’ai voulu raconteur une histoire qui mette en avant les qualités séparées de Jésus et du Christ, si bien que j’ai décidé d’en faire des personnages séparés."